Rencontre avec notre invitée spéciale à Che Presente, la journaliste Liz Oliva Fernández. Elle nous parle de la lutte quotidienne des Cubains, de l’émigraton, du journalisme, etc.
Julie Steendam de Cubanismo.be avec Liz
Bonjour, Liz. Cubanismo.be est ravi de t’accueillir ici en tant qu’invitée après deux ans de tentatives infructueuses. Cela n’a pas été facile et cela a encore failli capoter. Est-ce que tu pourrais en dire un mot ?
Bien sûr. J’ai également abordé le sujet dans le cadre de l’atelier qui vient d’avoir lieu : « Les femmes contre l’impérialisme ». Il ne s’agit pas d’un problème personnel qui ne concerne que moi. Cela concerne à peu près tous ceux qui veulent venir ici en provenance du Sud. Nous avons toujours besoin d’un visa, d’une autorisation pour entrer dans n’importe quel pays de ce qu’on appelle le Nord ou l’Occident, ou quel que soit le nom donné au monde riche.
Ce n’est pas le cas dans l’autre sens. Les personnes venant d’Europe et se rendant dans un pays du Sud ont rarement besoin d’un visa et ne sont certainement pas soumises à un contrôle préalable. C’est une preuve évidente que le colonialisme est toujours présent. Il s’agit de privilèges propres aux pays qui dominent le monde. Ils décident qui est admis et qui ne l’est pas. C’est un reflet parfait de l’inégalité présente dans le monde.
En général, l’excuse invoquée quand on refuse l’entrée à une personne (comme dans mon cas à la base) est qu’on la soupçonne d’avoir pour objectif d’émigrer. (n.d.l.r : Liz s’est d’abord vu refuser l’autorisation de se rendre en Belgique par l’ambassade de Belgique à La Havane. Ce n’est qu’après des semaines de querelles juridiques qu’elle a obtenu un visa à la dernière minute et que Cubanismo a dû lui acheter un billet coûteux). Je pose la question : pourquoi ? On ne décide pas de quitter son pays du jour au lendemain. C’est comme si on se levait un matin en se disant : c’est une belle journée pour émigrer. Je pars à l’autre bout du monde, je quitte mes enfants, mon partenaire, ma famille, et je me passe désormais de leur soutien dans un pays qui possède une culture différente, d’autres mœurs.
Les gens émigrent en quête de possibilités de survie qu’ils ne trouvent pas chez eux. C’est pour cette raison que certains finissent par prendre la décision de quitter leur pays. Cette situation est le résultat du colonialisme et du néocolonialisme et de l’impérialisme actuels qui, pendant des siècles, ont déterminé où il faisait bon vivre. Cela vaut aussi bien pour Cuba que pour l’Afrique du Sud et l’ensemble des pays du Sud. Cela ne concerne pas uniquement l’accès à l’Europe, mais aussi aux États-Unis, bien entendu.
Je suis en contact avec de nombreuses personnes qui ont émigré aux États-Unis. Ils s’y sentent souvent malheureux, car la culture de ce pays leur est totalement étrangère. Pourtant, ils sont là parce qu’on leur a vendu le « rêve américain », auquel ils ont cru. Ils sont partis pour leur survie. Ils se retrouvent dans une situation d’exploitation continue où ils doivent travailler constamment pour survivre et n’ont donc aucun moyen de revenir, même pour un mois de vacances.
Leur famille n’est pas consciente des dangers de ce voyage vers la « terre promise ». Les Cubains bénéficient toujours du privilège de la « Ley de ajuste », en vertu de laquelle les Cubains qui demandent l’asile politique peuvent obtenir une « green card » (permis de travail et de séjour) au bout d’un an et un jour. Auparavant, cette année pouvait débuter à partir du moment où ils avaient posé le pied sur le sol étasunien (Ley de pies secos o mojados). Aujourd’hui, ils doivent attendre des mois au Mexique ou dans un centre fermé aux États-Unis pour leur « entretien » avant que la période d’un an ne commence à être prise en compte.
En revanche, les migrants originaires du Honduras, d’Haïti, du Salvador, etc. sont expulsés des États-Unis en grande majorité. Il y a une raison politique à cela : les États-Unis veulent pouvoir clamer qu’ils accueillent en Floride 3 millions de « réfugiés cubains » ayant quitté leur pays en raison du régime communiste de Cuba, alors qu’il s’agit en fait de migrants économiques, au même titre que ceux qui proviennent de Colombie, d’Équateur et de Porto Rico, qui est une colonie étasunienne.
Cette migration économique cubaine est intimement liée aux mesures du blocus, à cause desquelles survivre dans des conditions dignes est devenu très difficile.
Est-il vrai que l’immigration en provenance de Cuba, en particulier celle des jeunes, a fortement augmenté ces dernières années ?
Incontestablement. La majorité de mes amis ont quitté le pays en quête d’un « avenir meilleur ». J’ai dû me faire de nouveaux amis à Cuba. J’ignore ce qu’il en est pour vous, mais quand on vieillit, on a moins d’énergie pour cela (n.d.l.r. : l’interviewer est plus que deux fois plus âgé que Liz, qui a 30 ans).
Je ne juge pas ceux qui sont partis, je comprends leur motivation. Je comprends aussi ceux qui veulent rester. L’émigration n’est pas un choix facile, mais rester à Cuba dans les circonstances actuelles ne l’est pas non plus. Beaucoup pensent : pourquoi ne pas partir ? Peut-être que dans 2 ou 3 ans, nous aurons assez d’argent pour rentrer.
Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les raisons de ce pic migratoire, alors que les sanctions sont en place depuis 1961. Mais ce blocus n’est pas statique. Il a évolué à de nombreuses reprises, en fonction des relations internationales. Parfois, nous avons un peu plus d’amis. Aujourd’hui, nous en avons peu. Je parle de Cuba. Tous les Cubains en sont victimes. Il n’existe pas de sanctions qui n’affectent que le gouvernement, surtout dans un pays où une grande partie de la population active travaille pour l’État. Ce sont principalement des femmes, qui sont donc les premières victimes du blocus.
Dans le secteur de l’éducation et des soins de santé, on trouve une grande majorité de femmes. Dans le domaine de l’entretien public, du ramassage des ordures, etc., on trouve une grande proportion de Noirs. Ce sont ces catégories de la population que le blocus touche le plus durement. Tous ces secteurs sont financés par des fonds publics. C’est pourquoi ces sanctions, qui sont censées être dirigées contre le gouvernement, affectent directement le quotidien de chacun, ainsi que la qualité de nos soins de santé et de notre éducation.
Même à l’étranger, les Cubains sont personnellement visés. Les étudiants cubains qui séjournent en Europe ne peuvent pas ouvrir de compte en banque pour y déposer l’argent des bourses qu’ils ont obtenu grâce à leur travail acharné. Qu’ont-ils bien pu faire de mal ? Ils sont punis uniquement parce qu’ils sont cubains.
C’est comme si notre nationalité était une malédiction. C’est ce que ressentent de nombreux jeunes. Mais la véritable malédiction, c’est le capitalisme et le néolibéralisme, qui dirigent le monde et qui empêchent d’innombrables personnes de vivre dignement. Parallèlement, ils nous poussent à culpabiliser, comme si nous étions responsables de cette misère, alors que c’est cet ordre mondial qui décide qui peut bénéficier d’un visa ou non.
Cubanismo.be rencontre encore de nombreuses personnes qui pensent que le blocus contre Cuba tire doucement à sa fin. Ils sont au courant de la visite d’Obama sur l’île il y a 7 ans et pensent que depuis, le problème est presque résolu. Il faut alors leur expliquer que Trump est totalement revenu sur les mesures prudentes prises par son prédécesseur et qu’en plus, il a introduit des dizaines de renforcements des mesures. Sans parler de Biden, qui n’a rien fait pour améliorer la situation. Le blocus est donc aujourd’hui plus grave que jamais. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les difficultés que cela pose aux Cubains ?
L’exemple de la pandémie de Covid en dit long. Le monde entier s’est trouvé confronté à une crise sanitaire et économique. À Cuba, le renforcement des mesures du blocus est venu s’ajouter à cela. Souvent dans l’histoire, les mesures punitives entre pays en désaccord sont au moins temporairement levées lors d’une crise humanitaire. C’est ce que Cuba et de nombreuses organisations de solidarité dans le monde ont demandé pour l’’île, en vain.
Notre gouvernement a également demandé à bénéficier du programme COVAX (de l’Organisation mondiale de la santé), mais notre pays n’étant apparemment pas assez pauvre, il n’avait pas d’autre choix que de développer lui-même ses vaccins. Au lieu d’utiliser l’argent disponible pour acheter des vaccins coûteux sur le marché mondial pour une petite partie seulement de notre population, nous avons décidé de fabriquer nos propres vaccins.
Avec deux des quatre vaccins mis au point, nous avons réussi à protéger efficacement 90 % des Cubains, à une époque où de nombreux autres pays du Sud, mais aussi du Nord, ne pouvaient offrir qu’une protection moindre, voire bien moindre, à leur population.
Cela ressemblait à un miracle. La Belgique, qui compte à peu près la même population que Cuba, a dénombré plus de 28 000 morts suite à la pandémie. À Cuba, seules 8 000 à 9 000 personnes n’ont pas survécu à la maladie.
C’est vrai, et pourtant je n’ai entendu parler nulle part d’une campagne : #SOS Belgique, alors qu’une campagne a été lancée depuis les États-Unis sous le nom de #SOS Cuba (n.d.l.r. : pour appeler à la chute du gouvernement et à une intervention étrangère (= étasunienne) afin de « mettre fin aux terribles souffrances des Cubains »). Ils l’ont fait à un moment où nous connaissions un pic tardif d’infections, en raison du retard pris par notre programme de vaccination. En raison du renforcement du blocus, nous manquions de matières premières pour fabriquer les vaccins assez rapidement.
Aujourd’hui encore, la vie à Cuba est dure, difficile. La pénurie généralisée s’accentue, mais je ne pense pas que ce soit le pire. Je suis née (n.d.l.r. : il y a 30 ans) et j’ai grandi dans un pays qui traverse une crise économique permanente : mettez-moi dans un magasin où le choix est vaste et je deviens folle. Ce n’est pas tant les pénuries que le sentiment que la situation ne va pas s’améliorer qui nous rend les choses difficiles. C’est décourageant. Désespérant. Après tant d’années, certains ne peuvent tout simplement plus se dire : « Nous allons tenir le coup ». Cela dure depuis trop longtemps, la lassitude se fait sentir. Les jeunes qui veulent des enfants se demandent quel sera leur avenir, comment leur pays évoluera. Personne ne mérite de survivre aussi longtemps dans des conditions de plus en plus difficiles.
Tout le monde pensait qu’après Trump, les choses allaient s’améliorer, que Biden allait relancer le processus de normalisation, mais jusqu’à présent, nada ! C’est pour cette raison que la migration a augmenté de la sorte. Aujourd’hui, le chien est en train de se mordre la queue, car l’immigration sera à nouveau un sujet central lors des prochaines élections présidentielles étasuniennes. Le gouvernement US pourrait maintenant profiter d’un léger assouplissement des sanctions pour faire baisser un peu le taux d’immigration.
Notre pays regorge de talents, de personnes instruites qui peuvent faire de notre île un pays prospère où chacun peut s’épanouir. Bien sûr, notre gouvernement commet également des erreurs, et la levée du blocus ne résoudra pas tous les problèmes, mais ce sont des aspects que nous, les Cubains, pouvons régler entre nous. Face au blocus, nous sommes impuissants : nous ne pouvons pas voter en Floride, je ne contribue pas à décider de la politique étasunienne à l’égard de Cuba. Ils jouent un jeu politique avec la vie de 11 millions de Cubains. Nous ne représentons qu’une monnaie d’échange pour les votes électoraux dont le président a besoin pour obtenir un nouveau mandat à la Maison Blanche. Certains politiciens parlent soi-disant au nom des Cubains, alors qu’ils n’ont jamais mis les pieds sur l’île.
Liz au Kinepolis après son introduction à ‘War on Cuba’
Avec Cubanismo, nous avons visité Cuba avec trois groupes différents cette année et l’année dernière. Ce qui nous a frappés, c’est que malgré les immenses difficultés économiques, le pays continue de fonctionner : éducation, soins de santé, horticulture, petites entreprises, etc. Nombreux sont ceux qui continuent à travailler dur et un grand nombre de services continuent à effectuer un travail important – en faisant preuve d’une bonne dose d’improvisation. L’esprit collectif de la population a impressionné de nombreux voyageurs.
Les Cubains font preuve d’une grande solidarité. Nous sommes capables de ressentir les besoins des autres, comme s’il s’agissait des nôtres. Par exemple, ma mère est médecin et il lui restait de l’Ibuprofène destiné à ma grand-mère, mais elle en a donné une partie à une personne de la clinique qu’elle ne connaissait pas, mais qui en avait urgemment besoin. C’est ainsi que notre pays continue de fonctionner. J’ai également été élevée avec cette solidarité, cet esprit collectif.
J’ai grandi dans un quartier populaire. La voisine d’en face préparait des biscuits que j’emportais à l’école maternelle quand j’avais 3 ans. Mes parents n’avaient pas toujours les moyens d’acheter des biscuits au magasin. La voisine a continué à le faire tous les dimanches, jusqu’à la fin de mes études secondaires. Elle trouvait normal de soutenir ainsi une jeune étudiante de son quartier. Nous sommes également allés à la mer en bus avec tout le quartier, et nous avons d’abord préparé le pique-nique ensemble, pour que tout le monde puisse passer une bonne journée à la plage.
À Cuba, il est normal que tout le quartier s’occupe ensemble des enfants, des personnes âgées et des personnes qui ont besoin d’aide. Certaines familles ont tout perdu à cause des nombreux cyclones qui ont traversé Cuba. À chaque fois, les habitants du quartier se sont réunis pour déterminer qui avait été le plus gravement touché. « Chez nous, la moitié de la maison a été emportée par le vent, mais ils n’ont plus rien, alors commençons par là. » Une fois les réparations de base effectuées, toute l’équipe de construction du quartier passe à la deuxième maison la plus impactée.
Du coup, quand je parle aux autres de l’impérialisme et du capitalisme, ce n’est pas quelque chose que j’ai connu dans mon enfance. Lorsque je dis que mes parents sont médecins, la plupart des gens pensent que je viens d’un milieu aisé, mais à Cuba, les médecins appartiennent à la classe travailleuse. À La Havane, les chauffeurs de taxi gagnent beaucoup plus que les médecins.
Cela donne une image très différente de la « carrière d’un médecin ». Ma mère n’a pas payé un centime pour sa formation et être médecin à Cuba est très gratifiant. On ne devient pas riche, on le fait vraiment pour aider les gens. J’ai fait la connaissance de Médecine pour le Peuple à ManiFiesta. Je pense qu’ils souhaitent diffuser le même esprit ici en Belgique : des soins de santé gratuits pour tous et des médecins qui travaillent à un salaire honnête, sans s’enrichir sur le dos des problèmes de santé de leurs patients.
En mai, Cubanismo.be s’est rendu à Cuba avec une délégation de MPLP. Nous sommes convaincus que la santé publique belge a beaucoup à apprendre de l’approche cubaine. La grande différence entre Cuba et la Belgique en termes de morts dus au Covid – malgré un meilleur équipement, une meilleure technologie et une meilleure infrastructure en Belgique – est due à l’efficacité de Cuba en matière de prévention.
En effet : notre alternative est très intelligente, justement parce que nous disposons de si peu de moyens. La meilleure façon d’éviter une catastrophe sanitaire est la prévention. Un accès facile aux médecins de famille est essentiel à cet égard.
En même temps, le manque de moyens est la raison pour laquelle nous avons encore compté trop de décès dus au Covid. Cuba disposait de deux vaccins homologués, mais pas de seringues ! Tout a été fait pour les empêcher d’arriver à Cuba. C’est vraiment incroyable. Cela a fortement ralenti la campagne de vaccination. Il s’agit d’un exemple de plus de la nature criminelle du blocus.
Liz en dialogue avec les auteures de ‘100 jaar om de zee te stoppen’: Julie Steendam et Isabelle Vanbrabant
Sur un tout autre sujet, Liz : tu es journaliste indépendante à Cuba. Comment cela se passe exactement et comment votre travail est-il réglementé à Cuba ?
Je suis en effet journaliste indépendante et je travaille pour la maison de production « Belly of the Beast » (Le ventre de la bête) aux États-Unis.
Je suis accréditée pour travailler pour un média indépendant aux États-Unis, et c’est vraiment un privilège. Cuba dispose de plusieurs médias indépendants, c’est-à-dire non financés par le gouvernement, qui sont pour la plupart soutenus par des organisations étasuniennes. Le problème est que Cuba a développé une mentalité de pays assiégé et que les commentaires sur le déroulement des événements dans le pays sont souvent considérés comme un soutien à l’ennemi. Il est également vrai que des millions sont dépensés chaque année par Washington pour diffuser de la désinformation pour déstabiliser le régime à Cuba. Certains « journalistes » se prétendent indépendants alors qu’en réalité, ils reçoivent le soutien du gouvernement US ou d’organisations anti-castristes aux États-Unis.
Il est très difficile de communiquer à propos de Cuba. Les consommateurs d’informations aiment le noir et blanc, mais la réalité cubaine est tout autre : il y a de nombreuses nuances de gris et beaucoup de ces « journalistes indépendants » ne véhiculent que des récits négatifs, sans évoquer le contexte économique.
En les lisant, je m’interroge : « S’agit-il vraiment de Cuba, où de l’image que le capitalisme et l’impérialisme tentent d’imposer ? Ils ne parlent jamais de la solidarité, de l’énorme engagement des gens en faveur d’une société meilleure malgré les manques énormes qui découlent du blocus. » C’est une sorte de porno de la misère : des images et des récits sur les pénuries, les problèmes, le déclin, … sans jamais faire mention des causes ou de la responsabilité coupable de gouvernements étrangers.
De plus, ces médias « indépendants » ne relaient jamais le moindre récit positif : sur les brigades médicales, sur les innombrables choses belles et attrayantes qu’on peut trouver à Cuba ou sur les personnes solidaires qui se démènent au quotidien pour faire avancer le pays.
En effet, cela ne me facilite pas la tâche. Je travaille pour un média US et mon principal public est étasunien. Des Cubains le suivent aussi, bien sûr, mais l’objectif principal est de toucher les électeurs étasuniens. Ni moi, ni personne d’autre à Cuba ne votons pour les politiques étasuniens responsables de la politique étrangère à l’égard de notre île. Nous souhaitons qu’ils réalisent que tous ces programmes visant à renverser le gouvernement cubain sont financés avec l’argent de leurs impôts, alors qu’à Cuba, l’accès aux soins de santé et à l’éducation est bien meilleur que dans leur propre pays.
Cette hostilité de la part des États-Unis fait qu’il est très difficile, en tant que journaliste, d’émettre des critiques légitimes à l’égard du gouvernement. J’aimerais également militer dans mon propre pays. Je pense que demander des comptes au gouvernement pour les choses qui ne vont pas ou défendre les personnes qui sont traitées injustement est un droit, mais l’hostilité à l’égard de notre pays rend cela très difficile à l’heure actuelle.
Dans « War on Cuba 6 », nous présentons, entre autres, l’histoire de Maykel González, qui a été harcelé à plusieurs reprises par la police pour avoir émis un avis critique. Il en a assez qu’ils l’appellent sans cesse, l’interrogent et fassent intrusion dans sa vie privée, mais il souligne qu’il ne s’est jamais senti physiquement menacé. Aucun journaliste n’est assassiné à Cuba. Dans le pire des cas, ils ne pourront plus rentrer au pays après être partis à l’étranger.
Mais personne ne parle de la liberté de la presse en Égypte ou en Arabie saoudite, ni du fait que l’UE entretient des liens financiers et commerciaux étroits avec ces pays. Cette situation n’est guère critiquée. Il est plus facile de parler de Cuba. « Cuba est une dictature sans élections libres. » On raconte également que Cuba n’a eu que trois présidents en 60 ans, mais ces trois présidents ont fait plus pour la justice sociale dans leur pays, pour et avec le peuple, que les dizaines de présidents de n’importe quel autre pays du monde. Sans parler des circonstances dans lesquelles ils ont réussi à le faire. Ils n’étaient et ne sont certainement pas parfaits, de nombreuses erreurs ont été commises au cours du processus, mais les progrès sociaux y ont été bien plus importants qu’ailleurs.
Les médias traditionnels ont récemment diffusé une nouvelle selon laquelle des mercenaires cubains se battraient aux côtés de la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine.
En raison de mon voyage jusqu’en Belgique, je n’ai pas pu lire grand-chose à ce sujet, mais la première chose qui me frappe, c’est la facilité avec laquelle il est possible d’abuser de la position vulnérable des gens en leur faisant miroiter des opportunités en situation de guerre. Il s’agit là d’une nouvelle illustration des perspectives économiques désastreuses qui s’offrent à de nombreux Cubains.
On constate également aux États-Unis que ce sont principalement des jeunes issus des familles les plus pauvres qui s’engagent pour devenir les soldats d’une armée qui est en guerre contre près de la moitié des pays du Sud. C’est souvent leur seule chance d’étudier, d’obtenir un bon salaire et de se constituer une pension.
Je suis ravie que notre ministère des Affaires étrangères ait fermement condamné le recrutement de Cubains pour une guerre et en veuille poursuivre les organisateurs.
Je suis opposée à toute guerre, mais il est ahurissant de constater que la presse occidentale fait grand bruit à propos de la Russie, mais garde le silence sur l’occupation continue d’Israël en Palestine, et sur toutes les autres agressions militaires que les États-Unis mènent ou soutiennent dans le monde entier. Je suis contre la guerre, mais également contre l’hypocrisie colossale dont elle fait l’objet en Occident.
Liz, merci d’être venue ici et pour cette discussion à cœur ouvert sur ton travail, ton pays et le monde. J’espère que tu pourras profiter du festival le plus solidaire et le plus international de Belgique !
Kasper Libeert de Cubanismo.be modère le dialogue entre Liz et Chris Smalls, du syndicat d’Amazon aux États-Unis