La Journée Internationale des Droits des Femmes est, comme chaque année, largement célébrée à Cuba, par une grande diversité d’initiatives, dont un rencontre national à Granma dans la province orientale de l’Île, des foires communautaires, des concerts, des rencontres, notamment avec des brigades internationalistes.our notre part, nous avons choisi de publier dans les jours à venir, plusieurs articles de la presse cubaine portant sur des thèmes et débats qui animent le pays, de loin le plus avancé de l’Amérique Latine (et d’ailleurs), pour la promotion des droits des femmes.
Elles sont organisées et impulsées par la Fédération des Femmes Cubaines (FMC) « avec la conviction qu’un meilleur pays est possible, dans la mesure où nous conjuguons la contribution de toutes à la réalisation du projet social de la nation caribéenne » selon sa Secrétaire Générale Teresa Amarelle.
Il faut dire qu’on partait alors de loin avant la Révolution de 1959, dans ce pays où les femmes et les personnes de couleur étaient les premières victimes d’une société fortement patriarcale et ségrégationniste. Depuis sa création en 1960, la FMC a été force de proposition, incitatrice et aiguillon des évolutions constitutionnelles, législatives et concrètes dont l’État cubain a fait une priorité.
Nul ne peut contester que la Révolution Cubaine a ouvert la voie à l’émancipation de la femme, depuis la promotion de l’éducation – dans ce pays où ¼ de la population, dont une grande majorité de femmes, était analphabète – et à celle de la santé et la mise en place d’un vaste arsenal législatif garantissant l’égalité , du droit à l’avortement reconnu dès 1965 à la protection de la mère et à l’adoption du premier Code de la Famille en 1975…Qu’ils soient économiques, sociaux, culturels, civils ou politiques, les droits de la femme sont garantis par la Constitution. Et celles-ci jouent aujourd’hui un rôle essentiel dans toutes les sphères de la société cubaine, où elles sont majoritaires dans bien des domaines. Des innovations qui se poursuivent…
Au fil des décennies, la volonté de progresser sur le chemin de l’égalité des droits ne s’est jamais tarie, même dans les difficultés économiques que connaît Cuba. Ainsi le 8 mai 2021, le Président Diaz-Canel signait le décret approuvant le Programme National pour la Promotion de la Femme, lequel se fonde sur le strict respect par l’État cubain des accords et engagements internationaux qui soutiennent les droits des femmes.
Fruit d’un long processus partenarial, il franchit une nouvelle étape dans la mise en œuvre des principes d’égalité et de lutte contre toutes les formes de discrimination. Il est assorti d’un plan d’action précis, dont l’objectif général est de « promouvoir la promotion de la femme et l’égalité des droits, des chances et des possibilités, telles que consacrées par la Constitution de la République de Cuba, et d’examiner en profondeur les facteurs objectifs et subjectifs qui, en tant qu’expressions de discrimination, persistent dans la société cubaine et font obstacle à de meilleurs résultats économiques, politiques, sociaux et familiaux, en vue de les éliminer. »
Le plan se décline en différents thèmes ; sa mise en œuvre sera évaluée et fera l’objet d’un rapport tous les 2 ans en Conseil des Ministres.
Approuvé le 25 septembre 2022 par 2 Cubains sur 3, à l’issue de plusieurs mois de débats dans le pays, le nouveau Code des Familles représente une avancée historique pour l’ensemble de la société et la condition féminine. Il met l’accent sur le partage équitable des responsabilités domestiques, il reconnaît la diversité des modèles familiaux et le respect des droits sexuels et reproductifs. La législation adoptée porte notamment sur la responsabilité parentale, les familles multi-parentales, la garde et les soins partagés, la gestation pour autrui solidaire….mais se heurtent au patriarcat et aux difficultés socialesAu cours d’un débat télévisé, la Secrétaire Générale de la FMC exprimait l’objectif « …que le nouveau Code des Familles ne soit pas simplement accepté par la société, mais qu’il soit pleinement compris et interprété, et que cette interprétation se traduise par des changements d’attitude, tant chez les femmes que chez les hommes, au sein des foyers, au bénéfice de la société. »
Car les résistances et survivances ont la peau dure. 5 siècles de patriarcat ont marqué profondément la société et la famille cubaines. La réalité est complexe et plus contradictoire que les textes…
Le plus souvent (comme chez nous) les femmes doivent conjointement mener leur carrière professionnelle et s’occuper d’enfants ou de parents au sein du foyer, dans une cohabitation familiale difficile ou dans des relations marquées par la violence.
Dans la société, les femmes ont encore parfois du mal à développer pleinement leurs capacités lorsque sur leur parcours, elles se heurtent à des « plafonds de verre », dont l’expression, à travers des préjugés, des tabous, des attitudes, leur rappelle quelles sont « leurs limites » et quelle est « leur place ».
Plus graves sont les violences intra familiales, dont trop peu sont signalées. Elles peuvent (comme chez nous) aller jusqu’aux féminicides dont le nombre, un peu plus de 30 par an, perdure en dépit de la répression renforcée à l’encontre de leurs auteurs. Pour y faire face, des initiatives innovantes ont été prises, comme la création en 2016 du Conseil du Centre Oscar Arnulfo Romero (OAR) pour les femmes victimes de violence. Ce conseil a reçu et accompagné des centaines de femmes. La structure comprend une équipe multidisciplinaire liée à d’autres institutions et organisations, dont l’objectif est de fournir aux femmes qui la sollicitent, des soins complets dans une démarche globale d’écoute et d’aide.
Enfin, à Cuba comme ailleurs, lorsque les difficultés économiques s’accroissent, c’est plus fréquemment sur les femmes qu’en reposent les conséquences, la débrouille, les queues interminables … il n’est donc pas exagéré de dire que le blocus insupportable imposé par les USA, en pesant sur la société toute entière pèse aussi sur la condition féminine… une raison supplémentaire pour le combattre et, si ce n’est déjà fait, signer la pétition européenne exigeant la levée du blocus !
Ce sera pour nous tous une des façons de soutenir les femmes cubaines qui veulent « surmonter l’impossible », comme l’indique le slogan de la FMC pour la célébration 2023 de la Journée Internationale des Droits des Femmes.
A lire aussi : Un regard sur le 8 mars à Cuba. À l’occasion de ce 8 mars, Cubacoop.org publie 4 articles traitant du rôle et de la condition des femmes à Cuba. Un regard croisé non exhaustif bien sûr, qui montre que cette question est quotidiennement à l’ordre du jour des préoccupations à tous les niveaux. Et dans une société qui se reconnaît « machiste », le combat est difficile. cubacoop.org/Un-regard-sur-le-8-mars-a-Cuba?lang=fr