La guerre entre la Russie et l’Ukraine ne laisse pas l’Amérique latine indifférente. Quel regard Cuba pose-t-elle sur cette guerre européenne ? Relations entre Cuba et l’UkraineCuba et l’Ukraine entretiennent des relations diplomatiques, culturelles et commerciales depuis des dizaines d’années. L’année dernière encore (plus précisément le 26 avril 2021), des délégués des ministères des Affaires étrangères respectifs des deux pays se sont rencontrés. Le mois dernier, une délégation ukrainienne a participé au Congrès international sur l’enseignement supérieur à La Havane. En Ukraine, l’Institut José Martí organise la solidarité avec Cuba, et il existe également un groupe d’amitié parlementaire.
La chute de l’URSS et des pays socialistes d’Europe de l’Est et l’évolution de la situation politique en Ukraine ont naturellement eu un impact sur les relations entre les deux pays. Par exemple, l’Ukraine(ainsi que la Colombie), s’est abstenue lors du vote à l’ONU sur la levée du blocus étasunien sur Cuba en 2019, alors qu’auparavant elle s’était toujours prononcée contre le blocus.
Personne en Ukraine n’oubliera toutefois jamais qu’ après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, Cuba a accueilli plus de 20 000 jeunes malades du cancer dans un centre spécialisé à Tarara, à l’est de La Havane, entre 1989 et 2011. Ils ont reçu gratuitement des soins médicaux, un enseignement, des vêtements, de la nourriture, un logement, des loisirs… Des médecins cubains spécialisés se sont également rendus en Ukraine pour soigner les patients de la région sinistrée. Aucun autre pays n’a consenti un tel effort.
Gisela García, responsable de la direction Europe et Canada du ministère des Affaires étrangères (Minrex), a reçu le 26 février le chargé d’affaires ukrainien Oleksandr Kalinchuk pour lui communiquer la position cubaine. L’ambassade de Cuba à Kiev reste ouverte. L’analyse de CubaDans sa déclaration du 26 février 2022, Cuba a analysé le conflit en Ukraine comme suit :La volonté des États-Unis de poursuivre l’expansion progressive de l’OTAN vers les frontières de la Fédération de Russie a conduit à un scénario, aux implications d’une portée imprévisible, qui aurait pu être évité.
Les mouvements militaires effectués par les États-Unis et l’OTAN au cours de ces derniers mois vers les régions adjacentes à la Fédération de Russie, précédés par la fourniture d’armes modernes à l’Ukraine, sont bien connus, ce qui ensemble constitue un encerclement militaire progressif.
Il est impossible d’examiner la situation actuelle en Ukraine avec rigueur et honnêteté, sans évaluer minutieusement les justes revendications de la Fédération de Russie auprès des États-Unis et de l’OTAN et les facteurs qui ont conduit à l’usage de la force et au non-respect des principes juridiques et des normes internationales auxquels Cuba souscrit, qu’elle soutient avec toute la vigueur possible et qui constituent une référence essentielle, notamment pour les petits pays, contre l’hégémonisme, les abus de pouvoir et les injustices.
Défenseur du Droit international et attachée à la Charte des Nations unies, Cuba est un pays qui défendra toujours la paix et s’opposera à l’usage ou à la menace de la force contre tout État.
Nous regrettons profondément la perte de vies de civils innocents en Ukraine. Le peuple cubain a eu et continue d’avoir une relation étroite avec le peuple ukrainien.
L’histoire exigera des comptes du gouvernement des États-Unis pour les conséquences d’une doctrine militaire de plus en plus offensive en dehors des frontières de l’OTAN, qui menace la paix, la sécurité et la stabilité internationales.
La récente décision adoptée par l’OTAN d’activer, pour la première fois, la Force de réaction de cette alliance militaire renforce nos préoccupations. (…)Nous plaidons pour une solution diplomatique sérieuse, constructive et réaliste à la crise actuelle en Europe, par des moyens pacifiques, qui garantisse la sécurité et la souveraineté de tous, ainsi que la paix, la stabilité et la sécurité régionale et internationale.
Cuba rejette l’hypocrisie et les doubles standards. Il convient de se rappeler qu’en 1999, les États-Unis et l’OTAN ont lancé une agression de grande envergure contre la Yougoslavie, un pays européen qu’ils ont fragmenté, au prix de nombreuses vies humaines, en fonction de leurs objectifs géopolitiques, en ignorant la Charte des Nations unies. (…) »
Appel au cessez-le-feu et à la protection de la population civileComme la plupart des pays d’Amérique latine, Cuba appelle au cessez-le-feu et au dialogue, tout en demandant à tous les partis de protéger la population civile et ses biens ainsi que l’infrastructure civile.
Alors que la guerre russo-ukrainienne prend des accents nucléaires, il faut rappeler que Cuba – contrairement à l’OTAN et la Belgique – a signé le traité des Nations unies sur l’interdiction des armes nucléaires (2017) et contribué à la création de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) visant à déclarer la région « zone de paix » (2014). Elle est aussi à l’origine de l’engagement à régler les différends mutuels de manière respectueuse et sans recourir aux armes. Ceci pourrait être source d’inspiration pour une future architecture de sécurité européenne (sans armes nucléaires).