Lors des élections présidentielles, deux courants radicalement opposés se sont affrontés. Un candidat à la présidence représente les traditions démocratiques du Chili. L’autre incarne l’ancienne et la nouvelle droite chilienne, qui adopte des positions d’extrême droite. Le candidat progressiste l’a emporté, renforçant ainsi la nouvelle vague de gauche sur le continent.
Entre démocratie et dictatureLe Chili a une longue tradition de continuité constitutionnelle. Depuis la création de l’État national en 1820, il n’y avait eu que deux interruptions : une dans les années 1890, et une autre dans les années 1920. Les deux ont été de très courte durée.
Mais ensuite, il y a eu le coup d’État brutal de 1973. Le général Pinochet a ordonné le bombardement de la résidence officielle du président de l’époque, Salvador Allende. Il a pris le pouvoir et a détruit la démocratie chilienne. Cela a duré jusqu’en 1990. S’est suivie une transition démocratique modérée, qui durera jusqu’aux mobilisations populaires massives de 2019.
Ces mobilisations ont abouti à une Convention constitutionnelle en octobre 2020. Celle-ci garantit, entre autres, une représentation égale des hommes et des femmes ainsi que la représentation de la population indigène, les Mapuches. Le président de la Convention constitutionnelle est un dirigeant Mapuche.
En novembre 2021, s’est tenu le premier tour des élections présidentielles, avec le résultat surprenant de la première place pour le candidat de l’extrême droite, José Antonio Kast. Il avait une avance de deux points de pourcentage sur le candidat de la nouvelle gauche du Chili, Gabriel Boric, du Frente Amplio (Front large).
Kast a battu le candidat du président Sebastián Piñera, soutenu par la droite traditionnelle. Piñera a été discrédité par l’échec de son gouvernement, mais aussi parce que son nom était mentionné dans les « Pandora Papers ».
Boric est un ancien leader étudiant. Il a participé aux grandes mobilisations de ces dernières années. À peine âgé de 35 ans, il atteint tout juste l’âge minimum requis pour devenir président du Chili. Boric a battu le candidat du Parti communiste aux élections internes dans le camp de la gauche.
Le nouveau président est un ancien leader étudiant. Il a participé aux grandes mobilisations de ces dernières années.
Depuis le premier tour, les sondages ont énormément fluctué. D’abord, Boric avait une nette avance, puis Kast a obtenu de meilleurs résultats, ensuite Boric a de nouveau arraché quatre pour cent d’avance. Ce dernier résultat est tombé une semaine avant le second tour des élections.
Les fluctuations ont continué jusqu’au dernier moment. Au premier tour, 53 % des électeurs ne se sont pas présentés aux urnes. Parmi les jeunes et les couches les plus pauvres de la population, ce chiffre est même encore plus élevé. La campagne pour le second tour s’est donc largement concentrée sur cet immense réservoir électoral. Un réservoir qui est une conséquence de la décision prise il y a quelques années de supprimer le vote obligatoire. Cette décision sera d’ailleurs examinée par la Convention constitutionnelle.
Parmi ceux qui se sont abstenus au premier tour, on ne sait pas exactement combien ont voté au second tour, ni pour qui ils ont voté.
Kast soutient ouvertement Pinochet – et donc la dictature -, Trump et Bolsonaro. En d’autres termes, il représente l’extrême droite du Chili, de l’Amérique latine et d’ailleurs.
Boric a un programme démocratique, écologique et féministe. Il est favorable à la décentralisation politique au profit des régions. Il est soutenu par des dirigeants de gauche en Amérique latine, notamment Lula au Brésil et Alberto Fernández en Argentine.
Il est le candidat à la présidence qui représente clairement les longues traditions démocratiques du Chili. L’autre incarne l’ancienne et la nouvelle droite chilienne, qui adopte des positions d’extrême droite.
C’était tout l’enjeu de ces élections. Il s’agissait de deux candidats représentant deux courants radicalement opposés.
Un boost pour la gaucheUne fois de plus, le Chili a dû choisir entre la démocratie et la dictature. Boric vainqueur, le Chili rejoint le groupe des gouvernements progressistes et anti-néolibéraux d’Amérique latine. Si Kast avait gagné, le Chili aurait été isolé dans un environnement latino-américain qui emprunte une direction opposée à l’extrême droite.
Heureusement, c’est la première option qui s’est réalisée. Après le dépouillement de la quasi-totalité des votes, Gabriel Boric l’a emporté avec 56 % des voix. Kast n’a obtenu que 44 % des suffrages. Boric devient ainsi le plus jeune président de l’histoire.
Après le Nicaragua, le Honduras et le Venezuela, il s’agit de la quatrième victoire consécutive de la gauche sur le continent ces dernières semaines.
Les élections se sont déroulées sans accroc. Kast a déjà reconnu sa défaite et félicité Boric « pour sa grande victoire ». Dans la capitale Santiago, les gens sont descendus dans les rues avec des calicots et des drapeaux en soutien à Boric.
Les dirigeants de toute l’Amérique latine et des Caraïbes ont félicité le président nouvellement élu. Une mauvaise nouvelle pour la Maison Blanche.
Post-scriptum : La première partie de cet article est une traduction d’un article écrit avant les élections. Avec l’accord de l’auteur, il a été fusionné avec un compte rendu du déroulement et du résultat des élections. Cet article est paru dans De Wereld Morgen