Comment Cuba parvient-elle à être aussi efficace par rapport au Covid-19 ?

Alors que, partout sur la planète, la pandémie de COVID-19 touche les populations défavorisées de manière disproportionnée, la vision cubaine visant à faire passer l’humain avant le profit a sauvé bien des vies, tant sur l’île qu’à l’étranger. Dès le début, Cuba a adopté une approche globale et intégrée, qui lui vaut un grand respect de par le monde. La confiance généralisée de la population dans les politiques scientifiques du gouvernement cubain, l’attitude constructive des médias et le travail des bénévoles sont autant de facteurs clés qui ont permis à Cuba de garder le taux de reproduction du virus sous contrôle jusqu’à ce que la vaccination de masse débute. À court de moyens financiers, l’île des Caraïbes a tenu à accueillir à nouveau les touristes dès la fin de l’année 2020, ce qui a entraîné une hausse des contaminations.

Les experts de la santé combinent les essais cliniques internationaux de leurs candidats vaccins avec la production de masse. Cuba est quasi le seul pays d’Amérique latine ayant les capacités de produire un vaccin elle-même. Seul le Brésil en aurait aussi la possibilité, mais ne le fait pas. Cuba va commencer par protéger sa population avant de donner ou vendre ses vaccins à d’autres pays.

Avant même que le virus ne touche Cuba, le pays s’y était préparé en s’inspirant des meilleures pratiques appliquées en Asie, mais aussi de sa propre expertise en matière de maladies infectieuses.

En dehors des frontières de Cuba, la diplomatie médicale a pris le relais. La brigade médicale Henry Reeve de Cuba est intervenue dans au moins 37 pays pour les aider à lutter contre la pandémie. Elle est d’ailleurs nominée pour le prix Nobel de la paix. Lorsque le navire de croisière MS Braemar a été bloqué en mer à cause du COVID-19, Cuba a été le seul pays à l’autoriser à accoster.

En revanche, bon nombre de pays ont réagi à la pandémie de façon désordonnée, notamment sous l’influence déplacée de lobbys richement financés représentant les restaurants et les firmes pharmaceutiques, pour ne citer que ces deux secteurs. L’instabilité des taux de reproduction du virus a nécessité des mesures déstabilisantes et coûteuses et provoqué quantités de contaminations et de décès. Les médias, des chercheurs tels que Helen Yaffe, Emily Morris et John Kirk et des organisations non gouvernementales comme Medicc, basée à La Havane et à Oakland, documentent depuis longtemps le système de santé de Cuba en tant qu’exemple à suivre.

Des efforts et des bases scientifiques solidesÀ Cuba, les soins sont universels, la recherche et la formation sont solides, et la lutte contre les maladies et les catastrophes est bien organisée. Les soins de santé publics sont coordonnés entre les instituts de recherche et les centres de contrôle des maladies, jusqu’aux cliniques communautaires dispersées au nivau local. Cuba a également un taux d’alphabétisation de près de 100 % et met l’accent sur les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STEM).

Cette efficacité, Cuba la doit à un travail acharné et à son approche scientifique rigoureuse, le tout dans un système qui privilégie l’humain par rapport au profit. Le gouvernement a su gagner la confiance de la population grâce à des campagnes contre le VIH, le virus Ebola, la dengue et le virus Zika, fondées sur des bases scientifiques solides. Les pays qui ont bien réagi à la pandémie ont communiqué de manière claire et transparente avec leurs populations. Traditionnellement, Cuba communique de multiples manières avec son peuple.

Le responsable national de l’épidémiologie est devenu un expert de confiance dans chaque foyer grâce à ses bulletins d’information quotidiens. Chaque jour, à 9 heures, le docteur Francisco Durán, assis et masqué, s’adresse directement au public. Il constate et déplore chaque décès, explique comment se propage et se traite la maladie, répond aux questions des téléspectateurs et leur conseille fortement de continuer à suivre les mesures de prévention.

Manuel Calviño, psychologue de renom, aborde quant à lui des sujets tels que l’autodiscipline et la pensée positive. Dans des spots plus divertissants, des acteurs connus encouragent la population à tenir bon, tandis que des groupes expliquent les protocoles sanitaires.

Des dessins animés montrent des « méchants rouges » en colère qui se noient lorsque l’on se lave les mains et bloqués par des masques buccaux. On voit des héros animés célébrer la fête internationale du travail depuis leur balcon, les jeunes rester à la maison pour protéger leurs grands-parents et les familles jouer ensemble à l’intérieur. Le 42e Festival international du nouveau cinéma latino-américain, qui s’est déroulé dans le respect des mesures sanitaires, présentait des conseils médicaux en dessins animés dans son clip promotionnel. Des slogans sont largement diffusés, via le chant ou la danse, notamment « Cuba pour la vie sourit à nouveau (masquée) ».

Le port du masque est populaireJ’ai interrogé des habitants de La Havane en ligne, puis en personne lors de mon séjour à Cuba en décembre et janvier. La plupart m’ont dit porter le masque pour « protéger les autres et se protéger soi-même ». Bien que le port du masques soit fortement teinté de politique ailleurs, Cuba en a fait une obligation dès le mois de mars 2020 et a immédiatement fourni des instructions sur la façon d’en fabriquer chez soi.

Alors que, dans de nombreux pays, les volontaires peinaient à trouver des moyens de se rendre utiles, à Cuba, toutes les organisations telles que les comités de quartier et les universités se sont rapidement mobilisées. Des étudiants en médecine ont fait du porte-à-porte pour détecter tout symptôme inquiétant. Les étudiants en informatique ont mis au point des applications utiles et aidé le personnel médical. Leurs dortoirs ont par ailleurs été convertis en centres de quarantaine. Le travail nécessaire a été fait. La stratégie adoptée par Cuba pour lutter contre la pandémie a été renforcée par le large soutien de la population. Les courbes de contamination initiales se sont bien vite inversées.

Consciente de pouvoir compter sur la responsabilité individuelle de ses citoyens bien informés, Cuba est passée à une « nouvelle normalité » à la fin de la période des fêtes. Les touristes ont afflué vers les stations balnéaires isolées, tandis que les expatriés revenaient auprès de leurs proches. Les hôtels suivent de près les protocoles sanitaires, tels que l’utilisation de tests PCR rapides,le port du masque, les mesures de prévention et la distanciation sociale.

Ces visites familiales ont quand même provoqué des clusters, comme partout dans le monde. Certains visiteurs, qui venaient souvent de régions affichant des taux de contamination élevés et victimes d’un déni de la science, comme à Miami, par exemple, n’ont pas respecté les protocoles : un test PCR négatif à l’arrivée, une quarantaine de cinq jours à la maison, puis un autre test PCR négatif avant de se mêler aux autres gens.

La pandémie a coûté cherTous les indicateurs montrent que Cuba a utilisé efficacement ses ressources limitées au profit de la collectivité. Toutefois, combinée au blocus renforcé par Trump, la pandémie et l’hécatombe touristique qu’elle a entraînée, ont coûté cher. Résultat : une pénurie de denrées alimentaires et de biens de consommation abordables, une augmentation du coût de la vie, accélérée par une unification monétaire longtemps repoussée, … la vie n’est pas facile pour le peuple cubain.

Le nombre d’infections quotidiennes au COVID avoisine désormais les 850, contre 42 le 15 novembre 2020, juste avant la réouverture de l’aéroport de La Havane. Bien que la courbe se soit à nouveau aplatie (sa croissance exponentielle s’est arrêtée pour la deuxième fois), le personnel médical est sous pression, de même que l’approvisionnement en matériel.

Dans ce contexte, toutefois, Cuba avance très bien sur le plan de la vaccination. Dans cette course effrénée contre le virus, Cuba mène simultanément les essais cliniques internationaux de phase 3 du Soberana 2 et d’Abdala, en assumant une production à large échelle de ces vaccins candidats. Les travaux se poursuivent également sur le Soberana 1 et le Mambisa. Compte tenu des variants de COVID-19 et des réinfections, un rappel Soberana Plus est en cours de développement.

Si le programme de vaccination de Cuba réussit, le pays aura une fois de plus pris soin de sa population, malgré d’énormes difficultés, en produisant et en administrant un vaccin au niveau national, puis en le partageant avec le monde entier.

De nombreux pays riches et axés sur le marché dans l’hémisphère nord, et notamment le Canada, sont en nettement moins bonne posture. Compte tenu du blocus étasunien, Cuba risquait fortement de ne pas avoir accès aux vaccins produits à l’étranger. Le pays a donc décidé de produire ses propres vaccins ce qui, n’en doutons pas, aura certainement des répercussions très positives pour tout le monde.

The Conversation

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