Que se passe-t-il en Bolivie ? Après le coup d’État contre Evo Morales le 10 novembre 2019, la sénatrice d’extrême droite Jeanine Áñez, faisant fi de la Constitution, a pris le pouvoir. Elle avait officiellement jusqu’en février 2020 pour convoquer de nouvelles élections. À l’époque, nous avions déjà exprimé nos craintes d’une érosion des droits civils fondamentaux en Bolivie et souligné que rien ne garantissait que les nouvelles élections présidentielles, pourtant cruciales, seraient démocratiques et libres. Nos craintes étaient hélas fondées.
Le 15 novembre 2019, Mme Áñez signait un décret présidentiel donnant carte blanche à l’armée, nous catapultant ainsi dans le sinistre passé des dictatures boliviennes. Le même jour, la police et l’armée ouvraient le feu sur des manifestants indigènes à Cochabamba. Bilan : neuf personnes tuées et 120 blessées. Quatre jours plus tard, une autre action a eu lieu à El Alto, coûtant la vie à huit personnes et en blessant plus de trente.
Même les alliés de Jeanine Áñez ont estimé ces mesures excessives et abrogé le décret dès le 28 novembre. Mais aujourd’hui encore, des groupes paramilitaires continuent d’opérer, arrêtant arbitrairement des opposants au régime et des partisans du MAS, le parti d’Evo Morales. Le discours raciste est très virulent dans le débat public et, à droite, on appelle de plus en plus vigoureusement à fermer le Parlement.
Nouveau report des élections Malgré la pandémie de coronavirus, la mobilisation populaire se poursuit, avec environ 70 barrages routiers depuis le début du mois d’août. Une grève générale, proclamée par le syndicat bolivien, la COB, et le Pacte d’unité (qui rassemble les mouvements sociaux du pays), est en cours, pour une durée indéterminée. Ils protestent contre un nouveau report, le troisième déjà, des élections présidentielles. Ils veulent qu’elles aient lieu le 6 septembre, et non le 18 octobre, comme l’a récemment décidé le Tribunal Suprême électoral du pays, contrôlé par le gouvernement Áñez.
La Bolivie est ainsi sans gouvernement élu depuis près d’un an. Pendant ce temps, le gouvernement intérimaire Áñez cherche à vendre la totalité de l’exploitation de lithium à des sociétés occidentales étrangères. Le multimillionnaire Elon Musk est récemment entré en scène. Il a répondu aux critiques sur l’ingérence étrangère en Bolivie par un tweet laconique : « We will coup whoever we want. Deal with it ». (« Nous ferons un coup d’État contre qui nous voulons. C’est comme ça. ») Cette déclaration abrupte sonne comme une énième confirmation que l’éviction d’Evo Morales avait aussi pour but de laisser le champ libre aux alliés occidentaux d’Áñez pour exploiter le lithium, surnommé aussi « l’or blanc ».
Le gouvernement Áñez a voulu mettre en place un dialogue national pour déminer le conflit. Mais le MAS reste inflexible : une date définitive doit être fixée pour les élections, et validée par des organisations internationales telles que l’ONU. Le dialogue national a échoué car le gouvernement a refusé d’accéder à cette demande légitime. Le gouvernement a répondu aux protestations par la répression. Le 9 août, environ 80 manifestants ont été arrêtés par un groupe paramilitaire d’extrême droite, Resistencia Juvenil Cochala.
Le gouvernement intérimaire a lui-même porté plainte contre l’ancien chef de l’État Evo Morales et le candidat à la présidence, Acre, pour crimes de « terrorisme et de génocide », estimant que les barrages routiers et les manifestations avaient bloqué le transport de matériel médical et d’ambulances. Un prétexte fallacieux, qui a été contredit par plusieurs vidéos et témoignages provenant de toute l’étendue de la Bolivie, visant à discréditer le MAS. Après tout, le candidat du MAS, Acre, caracole en tête des intentions de vote et aurait toutes les chances de remporter de futures élections présidentielles. La tenue de nouvelles élections serait dès lors tout sauf favorable à l’extrême droite.
Crise du coronavirus Le gouvernement Áñez voit également le nombre de ses partisans fondre comme neige au soleil en ce moment, car il se montre totalement incapable de faire face au coronavirus en Bolivie. Dans ce pays de 11 millions d’habitants, le nombre de cas confirmés de COVID-19 est de 66 456. Très peu de tests étant disponibles, les chiffres réels sont probablement bien plus élevés. Le scandale des 170 respirateurs que le ministre de la Santé a achetés à un fournisseur espagnol à 27 000 dollars pièce, alors que des producteurs boliviens avaient accepté d’en fournir pour 1 000 dollars pièce, est tout aussi significatif. Le ministre de la Santé a été arrêté pour cela, à juste titre.
Stop à la répression violente Nous appelons à mettre fin immédiatement à la violente répression opérée par la police et l’armée en Bolivie. Nous demandons le rétablissement de l’État de droit démocratique où aucun parti ou dirigeant politique n’est interdit. Tous les partis politiques doivent pouvoir participer sans discrimination, y compris les candidat.e.s du MAS. La communauté internationale doit veiller à ce que la tenue d’élections libres et transparentes soit garantie dans un délai convenu, et que les résultats en soient respectés.