Elon Musk, le PDG de Tesla, a déclaré sur Twitter qu’un second plan de relance gouvernemental ne serait « pas dans le meilleur intérêt des gens ». Peu de temps après, quelqu’un lui a répondu : « Vous savez ce qui n’était pas dans le meilleur intérêt des gens ? Le coup d’État que le gouvernement états-unien a perpétré contre Evo Morales en Bolivie, pour que vous puissiez prendre le lithium là-bas. » Elon Musk a alors écrit : « Nous renverserons qui nous voulons ! Faites-vous à l’idée. »
Elon Musk fait ici référence au coup d’État contre le président Evo Morales Ayma, qui a été démis illégalement de ses fonctions en novembre 2019. Evo Morales venait de remporter une élection pour un mandat qui devait commencer en janvier 2020. Même si cette élection était contestée, son mandat aurait légitimement dû se poursuivre en novembre et décembre 2019. Au lieu de cela, l’armée de la Bolivie, sur ordre de l’extrême droite bolivienne et du gouvernement des États-Unis, a menacé Evo Morales ; celui-ci s’est alors exilé au Mexique, et se trouve actuellement en Argentine.À l’époque, les « preuves » de la fraude électorale avaient été fournies par l’extrême droite et par un « rapport préliminaire » de l’Organisation des États américains ; ce n’est qu’après la destitution de Morales que les médias grand public ont reconnu à contrecœur qu’il n’y avait, en réalité, aucune preuve de fraude. Mais c’était trop tard pour la Bolivie, qui a été condamnée à être dirigée par un gouvernement dangereux, qui a suspendu la démocratie dans le pays.
Pendant ses quatorze années de mandat, Evo Morales s’est battu pour mettre les richesses de la Bolivie au service du peuple bolivien qui, après des siècles d’oppression, a connu des progrès remarquables sur le plan de ses besoins fondamentaux. Les taux d’alphabétisation ont augmenté, et la faim a diminué. Cette utilisation des richesses de la Bolivie pour promouvoir les intérêts du peuple, plutôt que ceux des multinationales nord-américaines, était une abomination aux yeux de l’ambassade des États-Unis à La Paz, qui a alors encouragé les pires éléments de l’armée et de l’extrême droite à renverser le gouvernement. Et c’est exactement ce qui s’est passé en novembre 2019.
L’aveu d’Elon Musk, même s’il est incendiaire, a au moins le mérite d’être sincère. Sa société Tesla a longtemps souhaité avoir un accès à bas prix aux importants gisements de lithium de la Bolivie, le lithium étant un ingrédient clé dans les batteries. Au début de cette année, Elon Musk et son entreprise ont révélé qu’ils désiraient construire une usine Tesla au Brésil, laquelle serait alimentée en lithium de Bolivie ; lorsque nous avons écrit à ce sujet, nous avons intitulé notre reportage « Elon Musk agit en néo-conquistador vis-à-vis du lithium d’Amérique du Sud » (“Elon Musk Is Acting Like a Neo-Conquistador for South America’s Lithium”). Tout ce que nous avons écrit dans cet article est condensé dans son nouveau tweet : l’arrogance envers la vie politique d’autres pays, et l’avidité envers les ressources que des gens comme Elon Musk pensent leur être dues.
Par la suite, le PDG de Tesla a supprimé son tweet. Puis il a déclaré : « nous nous procurons aussi notre lithium en Australie ». Cela ne réglera toutefois pas la question, car en Australie, d’aucuns s’indignent des dommages environnementaux causés par l’extraction du lithium.
Après la destitution d’Evo Morales, Jeanine Áñez, une insignifiante politicienne d’extrême droite, a mis de côté le processus constitutionnel et s’est emparée du pouvoir. Celle-ci a révélé le caractère de sa politique lorsqu’elle a signé un décret présidentiel, le 15 novembre 2019, qui conférait aux militaires le droit de faire ce qu’ils voulaient ; même ses alliés ont estimé que cela allait trop loin et l’ont abrogé, le 28 novembre.
Les arrestations et les intimidations de militants du Mouvement pour le socialisme (MAS) – le parti d’Evo Morales – ont commencé en novembre 2019, et se poursuivent encore aujourd’hui. Le 7 juillet 2020, sept sénateurs états-uniens ont publié une déclaration, dans laquelle ils écrivaient : « Nous sommes de plus en plus préoccupés par le nombre croissant de violations des droits humains et de restrictions des libertés civiles imposées par le gouvernement intérimaire de Bolivie. Si le gouvernement intérimaire ne change pas de cap, nous craignons que les droits civils fondamentaux en Bolivie ne soient davantage érodés, et que la légitimité des élections cruciales à venir ne soit mise en péril. »
Sur ce dernier point, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, puisque le gouvernement d’Áñez ne semble pas vouloir organiser d’élections. Selon tous les sondages, Áñez serait probablement battue aux élections générales. Un récent sondage du Centre stratégique latino-américain de géopolitique (Centro Estratégico Latinoamericano de Geopolítica, CELAG) indique qu’Áñez n’obtiendrait que 13,3 %, des suffrages, loin derrière Luis Arce, du Mouvement pour le socialisme (41,9 %), et Carlos Mesa, du centre droit (26,8 %). Les élections devaient avoir lieu en mai, mais elles avaient été reportées au 6 septembre ; elles sont maintenant reportées, une fois de plus, au 18 octobre. La Bolivie n’aura pas eu de gouvernement élu pendant une année entière.
Luis Arce, du MAS, a récemment déclaré à Oliver Vargas : « Nous subissons des persécutions, de la surveillance… nous sommes confrontés à une campagne très difficile ». Cependant, il a aussi affirmé : « nous sommes certains de gagner ces élections ». Si les élections sont autorisées.
Selon l’étude du CELAG, neuf Boliviens sur dix ont vu leurs revenus diminuer en raison de la récession due au coronavirus. Pour cette raison – et aussi à cause de l’attaque du gouvernement contre le MAS – 65,2 % des Boliviens ont un avis défavorable à l’égard d’Áñez. Il est aussi important de noter qu’en raison des politiques positives mises en place par le MAS d’Evo Morales, l’orientation socialiste bénéficie d’un large soutien ; 64,1 % des Boliviens sont favorables à une taxation des grandes fortunes, et les Boliviens en général soutiennent le socialisme axé sur les ressources du MAS et de Morales.
Le gouvernement d’Áñez a fait preuve d’une incompétence totale, en ce qui concerne le coronavirus. Le nombre de cas confirmés de COVID-19 dans ce pays de onze millions d’habitants est de 66 456 ; cependant, le faible taux de testing porte à croire que le nombre réel d’infections est probablement beaucoup plus élevé.
Mais revenons-en à Elon Musk. Plus tôt cette année, le 31 mars dernier, la ministre bolivienne des Affaires étrangères, Karen Longaric, lui a écrit une lettre obséquieuse, pour lui demander des renseignements sur « l’offre de coopération que vous avez publiée, concernant les respirateurs à envoyer dans les pays où ils sont le plus nécessaires ». Elle a aussi déclaré : « S’il n’est pas possible de les envoyer en Bolivie, nous pouvons organiser leur réception à Miami, en Floride, et les transporter à partir de là aussi vite que possible ». Aucun de ces respirateurs n’est arrivé.
Au lieu de cela, le gouvernement a acheté 170 respirateurs à un fournisseur espagnol, pour 27 000 dollars par appareil ; les producteurs boliviens avaient pourtant dit qu’ils pouvaient fournir des respirateurs pour 1 000 dollars par unité. Le ministre de la Santé du gouvernement Áñez, Marcelo Navajas, a été arrêté à la suite de ce scandale.
Evo Morales a lu le tweet d’Elon Musk à propos du coup d’État en Bolivie, et a réagi : « Elon Musk, le propriétaire de la plus grande entreprise de voitures électriques, dit au sujet du coup d’État en Bolivie : “Nous renversons qui nous voulons”. Voici une autre preuve que le coup d’État était motivé par le lithium bolivien ; et ce, au prix de deux massacres. Nous défendrons toujours nos ressources ! »
La référence aux massacres est importante. En novembre, depuis la ville de Mexico où il se trouvait, Evo Morales a regardé le gouvernement d’Áñez lâcher ses chiens de guerre contre le peuple bolivien, de Cochabamba à El Alto. « Ils tuent mes frères et mes sœurs », avait-il déclaré lors d’une conférence de presse. « C’est le genre de choses que faisaient les anciennes dictatures militaires. » Tel est le caractère toxique du gouvernement d’Áñez, pleinement soutenu par le gouvernement états-unien, et par Elon Musk.
Source: Counterpunch