Le covid-19 n’épargne pas non plus les personnes âgées à Cuba, mais elles résistent.

En Belgique comme à Cuba, les premières victimes du coronavirus sont les aîné.e.s. Les personnes âgées cubaines s’en sortent pourtant beaucoup mieux que leurs homologues belges en termes de santé.

Sur les 9212 décès dus au covid-19 enregistrés en Belgique le 21 mai, un tiers concernait des plus de 85 ans (3175). Dans un cinquième des cas, la victime avait entre 75 et 84 ans. Le virus a donc principalement touché les personnes âgées, comme en attestent les chiffres dramatiques des maisons de repos, qui déplorent 4695 des 9212 décès, soit la moitié. À Cuba, on comptait le 22 mai 81 décès dus au coronavirus, dont 2 touristes étrangers (un Italien et un Russe). Là aussi, la plupart des personnes décédées appartenaient à la tranche d’âge des 80-89 ans (25 décès), suivie par celle des 70-79 ans (21 décès). La plupart d’entre elles souffraient déjà d’autres problèmes de santé (hypertension, diabète, problèmes respiratoires chroniques, maladies rénales ou encore cancer…). Environ 65 % des malades avaient entre 20 et 59 ans. Dans une maison de retraite (« hogar de ancianos ») de Santa Clara, dans la province de Villa Clara, 60 personnes (résident.e.s et personnel) ont été diagnostiquées positives au coronavirus. Deux y ont laissé la vie. C’est également Santa Clara qui présente le plus grand nombre de cas testés positifs (135) de toute l’île. Cette situation dans la maison de retraite de Santa Clara n’est toutefois en aucun cas comparable aux milliers de décès enregistrés dans des maisons de repos aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne ou en Belgique.

Peu de morts, un taux de survie élevéAlors que, dans le monde, 80 % des victimes du covid-19 en état grave ou critique meurent, à Cuba, 80 % survivent, observe Ángel Guerra Cabrera dans une tribune dans le journal mexicain La Jornada.

Comment Cuba est-elle parvenue à ces bons résultats ? Par la prévention, des mesures de confinement strictes, un suivi (préventif et curatif) généralisé des infections (potentielles), des médicaments innovants et une bonne coopération entre tous les acteurs. Les enfants et les personnes âgées de plus de 85 ans doivent rester confinées. Des généralistes ou des infirmières parcourent systématiquement leur quartier pour contrôler l’état de santé des habitant.e.s. Ils sont assistés par des milliers d’étudiant.e.s en médecine. Les centres de jour (voir ci-dessous) sont fermés et les visites dans les maisons de repos sont restreintes. Parallèlement aux équipes purement médicales, les comités de défense de la révolution et d’autres organisations jouent également un rôle dans la lutte contre la pandémie. Par exemple, le Centro Felix Varela – notre partenaire, auquel nous destinons les bénéfices de notre campagne de Pâques depuis plusieurs années – cartographie littéralement les groupes à risque dans les quartiers, mais aide aussi à faire des courses pour les personnes qui en ont besoin.

Cuba consacre 27,5 % de son PIB à la santé et au bien-être (assistance sociale), contre une moyenne de 2,2 % pour la région et les 6 % recommandés par l’OMS.

Les ressources du pays, étranglé par un blocus américain persistant et encore plus dur qu’avant, sont toutefois limitées. De ce fait, certains produits sont réservés aux plus vulnérables. À un moment donné, tou.te.s les plus de 65 ans ont pu aller retirer un paquet de détergent et de lessive (un « modulo ») à la « bodega » (des magasins où l’on peut faire ses courses à l’aide du carnet de rationnement). Si, tout à coup, on ne trouve plus de lait nulle part, c’est parce qu’il a été donné en priorité aux enfants et aux maisons de repos.

Quel rôle les personnes âgées jouent-elles encore dans la société ?

Dans sa carte blanche intitulée « Les Malthusiens du corona », le chroniqueur cubain Julio Martínez Molina s’interroge sur la Belgique où « le gouvernement a demandé aux médecins de ne pas amener à l’hôpital les personnes âgées et ‘les plus faibles’ infectées par le covid-19 ». Et gageons qu’il n’a probablement pas entendu parler de la proposition de l’économiste belge De Neve d’imposer aux retraité.e.s une taxe supplémentaire pour payer la crise du corona…

Tout comme les enfants, à Cuba, les personnes âgées font l’objet d’une attention particulière. Le vieillissement de la population est un facteur important sur l’île, où 20 % de la population a plus de 60 ans. En 2030, ce sera 30 %. L’espérance de vie moyenne est de 78 ans et, tout comme en Belgique, le taux de natalité est relativement faible (1,7 enfants/femme, alors qu’il devrait normalement être de 2,1 pour assurer le renouvellement de la population).

La prise en charge des personnes âgées fait partie intégrante d’un plan national visant à améliorer leur bien-être, qui recouvre la santé physique et mentale, l’alimentation, le sport et la culture, et même la formation continue. Il n’est en effet pas rare que des enseignant.e.s et professeur.e.s à la retraite continuent d’enseigner avec enthousiasme et de nombreuses personnes âgées obtiennent leur diplôme (universitaire).

En 2000, sous l’impulsion du syndicat CTC, l’Université de La Havane a ouvert le premier cursus destiné aux personnes âgées. Entre 2004 et 2005, 40 000 personnes âgées ont étudié aux quatre coins du pays et plus de 7 500 professeurs ont enseigné à titre bénévole.

Dans le domaine médical, il existe des équipes d’assistance gériatrique pluridisciplinaires composées d’un médecin spécialiste, d’une infirmière, d’un travailleur social et d’un psychologue, tous diplômés en gériatrie communautaire et qui soutiennent le généraliste.

Alors qu’en 1982, Cuba ne disposait d’aucun service de gériatrie, ils sont aujourd’hui présents dans plus de 34 hôpitaux. On compte désormais un service de gériatrie pour 7 000 personnes âgées.

Prise en charge des personnes âgéesLes femmes peuvent prendre leur retraite à partir de 60 ans, les hommes à partir de 65 ans. La pension moyenne est de 400 à 530 pesos (14 à 18 euros). Bien que beaucoup de choses, dont les soins de santé, soient gratuites ou bon marché grâce aux subventions de l’État, de nombreux retraités complètent leur pension en travaillant comme indépendants ou salariés ou peuvent compter sur le soutien de leur famille. Comme dans de nombreux pays du Sud, s’occuper des parents va pour ainsi dire de soi pour leurs enfants. Par exemple, il n’est pas rare que trois générations vivent sous le même toit, notamment en raison de la grande pénurie de logements, surtout dans les grandes villes.

Il existe des centres de jour (casa de abuelos) et des maisons de retraite (hogar de ancianos ). Le nombre de centres de jour est passé de 74 en 1998 à 293 en 2019.

Enfin, des « círculos de abuelos » (groupes de grands-parents) sont également organisés dans les communautés. Les personnes âgées – et notamment les personnes atteintes d’Alzheimer, qui y bénéficient d’une attention particulière – peuvent s’y rendre pour participer à toutes sortes d’activités. Ils ont été créés vers 1980 afin de servir de tissu social dans les quartiers. Les personnes âgées s’y réunissaient, accompagnées par un professeur de gymnastique, un travailleur social, l’infirmière et le généraliste, dans un parc, un hôpital ou sur la plage pour bouger ensemble ou faire d’autres activités. Une enquête de 1991, lors de laquelle 200 participants ont été interrogés au début et après un an de participation, a montré que leur santé s’était considérablement améliorée : ils maîtrisaient mieux leurs maladies chroniques (arthrite, hypertension, diabète, asthme), avaient besoin de moins de médicaments et se sentaient mieux dans leur peau (ils souffraient moins de la solitude et de la dépression). D’autres études ont confirmé l’effet bénéfique de ces cercles.

Les centres de jour proposent des services de rééducation physique, psychologique et sociale, des programmes socioculturels et récréatifs, des activités sportives et des soins personnels. Ils sont ouverts de 8 heures à 17 heures.

Le pays compte quelque 155 maisons de repos, qui accueillent un peu moins de 9 000 résident.e.s. Ils sont principalement destinés aux personnes sans famille ou dont la famille ne peut pas s’occuper, ou encore aux personnes qui connaissent d’importants problèmes sociaux.

Pour avoir accès aux centres de jour et aux maisons de repos, il faut en faire la demande auprès des services locaux du ministère de la Santé. La demande peut être introduite par la personne elle-même, par son généraliste ou par une organisation. On passe ensuite en revue les priorités et la situation socio-économique du candidat.

Le séjour en maison de repos ou en centre de jour a un coût. Les frais de personnel, de nourriture, de médicaments, d’électricité, de carburant, d’équipement non médical, d’entretien, etc. pour une maison de soins représentent 5600 pesos par mois. Le résident prend en charge 7 % de ces frais, soit 400 pesos, Lorsque la personne concernée ne dispose pas de ressources suffisantes pour cela, le gouvernement prend en charge une partie ou la totalité de ce coût. Près de 18 % des résidents (et leurs familles) paient le taux normal, tandis que les 80 % restants bénéficient d’une compensation partielle ou totale de la part du gouvernement. Tout ceci montre clairement que la société cubaine s’occupe de ses personnes âgées et que le coronavirus n’y tuera pas des milliers de personnes prématurément, comme c’est malheureusement le cas ailleurs dans le monde.

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