En avril 1965, le Che part clandestinement avec une mission importante au Congo, à la demande des rebelles de l’est du pays. Après sept mois, il renonce à l’opération étant donné que les conditions ne sont pas réunies pour une guérilla réussie. « Je crois en une lutte armée comme unique solution pour les peuples qui luttent pour se libérer, et je suis cohérent avec mes croyances. Beaucoup me traiteront d’aventurier, et j’en suis un, mais d’un genre différent de ceux qui risquent leur vie pour défendre leurs vérités. » (1) A la nouvelle année de 1965, le Che arrive à Brazzaville et entame un voyage officiel en Afrique. De retour à Cuba, il convoque une réunion secrète composée d’une centaine de camarades qui ont une grande expérience du combat. Ce sont les futurs participants à la mission internationaliste au Congo. Le 11 février, il débarque à Dar Es-Salaam en même temps que différents dirigeants révolutionnaires africains qui demandent à Cuba des armes, des entraînements et une aide financière. II y rencontre également Laurent-Désiré Kabila et son état-major général. Ils sont bien d’accord sur une chose, c’est que le principal ennemi de l’Afrique n’est autre que l’impérialisme nord-américain. A la question de Kabila qui demande de pouvoir entraîner des guérilleros à Cuba, le Che répond par la négative et lui explique les avantages qu’il y a à entraîner ses propres troupes sur leur propre terrain.. Le 31 mars, le Che rédige sa lettre d’adieu à Fidel. Tu la trouve à la fin de cet article. Peu de temps après. Che se rend clandestinement au Congo, via la Tanzanie, avec une colonne de révolutionnaires cubains. Les États-Unis déforment le fait que le Che n’apparaît plus en public afin de répandre le bruit selon lequel il aurait été liquidé par Fidel suite à de graves conflits idéologiques parmi les hautes instances cubaines. Cette information est largement diffusée par les média occidentaux et malheureusement aussi reprise par certaines organisations progressistes. Le 24 avril le Che arrive à proximité du port de Kigoma, sur la rive du lac Tanganyika. Quatorze Cubains débarquent. De là, le Che se dirige sur Kibmamba, au Congo. Le 9 mai, il réussit à établir le contact avec le premier groupe de guérilleros. II leur explique qu’il est venu pour assurer des formations en matière de guérilla, suite à la demande adressée à Fidel Castro par Gaston Soumaliot et Laurent-Désiré Kabila. II désire combattre à leurs côtés dans les opérations qu’ils mettront sur pied. Che est le numéro 3, ou Tatu. Il a la direction de la colonne cubaine. II lance une école de guerre qui s’appellera La Base. Le 23 mai, il rencontre Benoît Mitudidi avec qui il discute de la situation militaire. Mitudidi entame le travail de structuration des combattants congolais. Le 7 juin, la nouvelle parvient au Che que Mitudidi s’est noyé. Ca compliquait la unification des deus fronts de guérilla. Le 7 juillet, le Che rencontre Laurent-Désiré Kabila, qui lui promet de l’accompagner au cours d’une visite des différents fronts de l’intérieur du pays. Cependant, Kabila part pour Kigoma, et les visites sont reportées. A l’occasion de la réunion du Comité central du Parti communiste de Cuba du 3 octobre, Fidel lit la lettre d’adieu du Che, qu’il a écrite au moment de son départ au Congo (d’où il continuera pour la Bolivie). A l’origine, le but était de ne pas divulguer cette lettre, pour ne pas compromettre les missions. Mais en raison des rumeurs persistantes, il n’y avait plus d’autre choix que de lire la lettre. En novembre, la situation sur plusieurs fronts s’avère tellement confuse que de plus en plus de guérilleros abandonnent la lutte. Che conclut que les conditions pour la révolution ne sont pas présentes. Au Congo il n’y a pas de exploitation outrancière comme on le trouve dans les grandes plantations d’Amérique latine. En plus il y a peu de discipline parmi les rebelles et la direction est (encore) trop faible. Après délibération avec les Congolais Che et ses compagnons de lutte décident de se retirer. La mission a duré sept mois, au cours de laquelle les Cubains ont participé à plus de 50 opérations. En décembre, le Che fait route en secret vers le bloc de l’Est et ensuite, en juillet 1966, il rentre à La Havane, toujours dans le plus grand secret, pour y préparer une nouvelle mission en Bolivie, en accord avec Fidel Castro. Pour ses adieux définitifs en octobre, ils décident tous deux de monter un canular. Fidel a invité les dirigeants les plus importants du Parti à un repas au cours duquel sera présent un invité étranger. Cet invité n’est autre, en fait, que le Che déguisé. Toute la soirée, le Che a donc mangé et conversé en compagnie de ses amis les plus intimes sans que ceux-ci le reconnaissent ! Lettre d’adieu du Che à Fidel Castro La Havane Année de l’Agriculture (1965) Fidel, Je me souviens en ce moment de tant de choses : du jour où j’ai fait ta connaissance chez Maria Antonia, où tu m’as proposé de venir et de toute la tension qui entourait les préparatifs. Un jour, on nous demanda qui devait être prévenu en cas de décès, et la possibilité réelle de la mort nous frappa tous profondément. Par la suite, nous avons appris que cela était vrai et que dans une révolution il faut vaincre ou mourir (si elle est véritable). De nombreux camarades sont tombés sur le chemin de la victoire. Aujourd’hui, tout a un ton moins dramatique, parce que nous somme plus mûrs ; mais les faits se répètent. J’ai l’impression d’avoir accompli la part de mon devoir qui me liait à la Révolution cubaine sur son territoire, et je prends congé de toi, des compagnons, de ton peuple qui est maintenant aussi le mien. Je démissionne formellement de mes fonctions à la Direction du Parti, de mon poste de ministre, je renonce à mon grade de commandant et à ma nationalité cubaine. Rien de légal ne me lie plus aujourd’hui à Cuba en dehors de liens d’une autre nature qu’on n’annule pas comme des titres ou des grades. En passant ma vie en revue, je crois avoir travaillé avec suffisamment d’honnêteté et de dévouement à la consolidation du triomphe révolutionnaire. Si j’ai commis une faute de quelque gravité, c’est de ne pas avoir eu plus confiance en toi dès les premiers moments dans la Sierra Maestria et de ne pas avoir su discerner plus rapidement tes qualités de dirigeant d’hommes et de révolutionnaire. J’ai vécu des jours magnifiques et j’ai éprouvé à tes côtés la fierté d’appartenir à notre peuple en ces journées lumineuses et tristes de la Crise des Caraïbes. Rarement, un chef d’Etat fut aussi brillant dans de telles circonstances, et je me félicite aussi de t’avoir suivi sans hésiter, d’avoir partagé ta façon de penser, de voir et d’apprécier les dangers et les principes. D’autres terres du monde réclament le concours de mes modestes efforts. Je peux faire ce qui t’est refusé, en raison de tes responsabilités à la tête de Cuba et l’heure est venue de nous séparer. Je veux que tu saches que je le fais avec un mélange de joie et de douleur; je laisse ici les plus pures de mes espérances de constructeur et les plus chers de tous les êtres que j’aime…et je laisse un peuple qui m’a adopté comme un fils. J’en éprouve un déchirement. Sur les nouveaux champs de bataille je porterai en moi la foi que tu m’as inculquée, l’esprit révolutionnaire de mon peuple, le sentiment d’accomplir le plus sacré des devoirs : lutter contre l’impérialisme où qu’il soit ; ceci me réconforte et guérit les plus profondes blessures. Je répète une fois encore que je délivre Cuba de toute responsabilité, sauf de celle qui émane de son exemple. Si un jour, sous d’autres cieux, survient pour moi l’heure décisive, ma dernière pensée sera pour ce peuple et plus particulièrement pour toi. Je te remercie pour tes enseignements et ton exemple ; j’essaierai d’y rester fidèle jusqu’au bout de mes actes. J’ai toujours été en accord total avec la politique extérieure de notre Révolution et je le reste encore. Partout où je me trouverai, je sentirai toujours peser sur moi la responsabilité d’être un révolutionnaire cubain, et je me comporterai comme tel. Je ne laisse aucun bien matériel à mes enfants et à ma femme, et je ne le regrette pas ; au contraire, je suis heureux qu’il en soit ainsi. Je ne demande rien pour eux, car je sais que l’Etat leur donnera ce qu’il faut pour vivre et s’instruire. J’aurais encore beaucoup à te dire, à toi et à notre peuple, mais je sens que c’est inutile, car les mots ne peuvent exprimer ce que je voudrais, et ce n’est pas la peine de noircir du papier en vain. Jusqu’à la victoire, toujours. La Patrie ou la Mort ! Je t’embrasse avec toute ma ferveur révolutionnaire Che Première partie: jeunesse (1928-1951) Deuxième partie: premier voyage à travers l’Amérique latine (1951-1952) Troisième partie: second voyage à travers l’Amérique latine (1953-1954) Quatrième partie: la Sierra Maestra (1955-58) Cinquième partie: années des débuts de la révolution (1959-1964) Septième partie: terminus la Bolivie (1966-1667) Notes (1) Lettre à ses parents, publiée en 1967.