Une médecin formée à Cuba contribue à la lutte contre la pandémie dans sa communauté dans le sud du Bronx.

Elle nous parle de la situation dans le Bronx, du système de santé cubain, et de la façon dont sa formation cubaine l’aide durant cette période difficile.

Nous voulons être sûrs que personne ne passe à travers les mailles du filet.

La pandémie de coronavirus a submergé le système de santé américain, révélant de profondes failles structurelles, à New York plus que partout ailleurs. À quoi ressemblerait un système de soins de santé qui fait passer les gens avant le profit ?

Dans le sud du Bronx, le Dr Melissa Barber met en pratique les leçons qu’elle a apprises il y a plus de dix ans, au cours de sa formation d’étudiante en médecine à Cuba, à l’École latino-américaine de médecine (connue sous ses initiales espagnoles ELAM). Aux yeux de Melissa Barber, les soins de santé ne commencent pas au moment où le patient est emmené en ambulance à l’hôpital, mais dans l’organisation de la communauté, et une connaissance approfondie des besoins du voisinage. M. Barber est également coordinatrice du programme de bourses d’études États-Unis-Cuba, qui offre un enseignement médical gratuit à Cuba aux futurs médecins qui désirent s’engager, et promettent de retourner servir leur communauté une fois qu’ils seront diplômés.

Récemment, en pleine pandémie, elle a pris le temps de donner une interview au journal The Independent, pour parler de la mobilisation du sud du Bronx contre le COVID-19, et du système médical cubain qui a inspiré l’œuvre de sa vie.

Pouvez-vous décrire la situation dans le sud du Bronx et votre approche, avec vos collaborateurs, pour faire face à la pandémie ?

Ici, dans le sud du Bronx, nous sommes confrontés à la même situation que dans d’autres villes et états : un nombre croissant de cas, des hôpitaux submergés, incapables de prendre en charge le nombre de personnes qui se présentent pour recevoir des soins ou se faire tester, avec des symptômes de fièvre, de pneumonie et d’états grippaux. Beaucoup d’entre nous, au niveau supralocal, adoptent une approche qui tend à organiser la communauté. Nous mettons à contribution toutes nos réserves et tous nos moyens, afin de constituer une source d’aide pour faire face à ce qui se passe dans la communauté. Nous avons une coalition de groupes – South Bronx Unite, les Mott Haven Mamas et de nombreuses associations locales de locataires – qui se sont tous unis.

Toute personne formée au système de santé cubain sait comment évaluer la santé d’une communauté, et examiner la situation en temps de crise. Une des choses que j’ai communiquées à mon association de locataires, c’est que nous devons nous concentrer sur les personnes vulnérables de notre communauté. Il s’agit notamment des personnes âgées, ou de celles qui ont des bébés et des enfants en bas âge, des personnes confinées à la maison, ou qui présentent de multiples facteurs de risque, et sont réellement vulnérables face à un virus comme celui-ci.

Nous tentons d’établir un profil de la communauté, afin d’évaluer où se situent nos points faibles. Nous essayons d’être une base de soutien, face aux besoins qui peuvent survenir dans cette situation. Nous avons pu fournir beaucoup de matériel médical, comme des gants, des masques, du Tylenol, du Motrin. Nous soutenons les familles qui ont perdu leur emploi et qui ont des enfants à nourrir, en leur indiquant quels moyens peuvent leur être utiles dans la communauté. On se réunit aussi pour collecter des fonds, afin d’acheter effectivement des produits alimentaires pour les ménages dans le besoin.

Votre approche est-elle basée sur votre formation à Cuba ?

Absolument. Toute personne formée au système de santé cubain sait comment évaluer la santé d’une communauté, et analyser ce qu’il se passe dans des situations d’urgence. Il s’agit de pouvoir évaluer qui sont les personnes vulnérables face à cette maladie, et d’être alerte au cas où quelque chose se produit. Nous voulons nous assurer que personne ne tombe à travers les mailles du filet, et que nous disposions de tout le matériel nécessaire, dans le cas où des gens doivent se débrouiller ou se soigner eux-mêmes, jusqu’à ce qu’ils puissent se rendre à l’hôpital, où ils pourront être pris en charge correctement.

Il s’agit donc d’une approche de la médecine qui a autant à voir avec l’organisation de la communauté, qu’avec le traitement des affections corporelles ?

Absolument. Ici aux États-Unis, on sépare l’aspect santé publique de l’aspect médical, et on dit qu’il s’agit de deux entités distinctes. Mais quiconque connaît le domaine de la santé publique et de la médecine, sait que ces deux éléments sont étroitement liés. Organiser la communauté permet de rester attentif à ce qui se passe en son sein, et d’assurer son suivi. Mais il faut également disposer des infrastructures sanitaires nécessaires pour concrètement diagnostiquer et traiter les personnes, afin de veiller à ce qu’elles ne se retrouvent pas dans un état critique, faute d’avoir été diagnostiquées ou traitées à temps.

Un endroit particulièrement touché par le COVID-19 est le nord de l’Italie, où plusieurs milliers de personnes sont décédées. Cuba a récemment fait la une des journaux internationaux, lorsqu’une brigade de plusieurs dizaines de médecins est arrivée en Italie, pour prêter main forte à leurs collègues italiens. Pouvez-vous décrire cette mentalité cubaine, qui pousse ce pays à envoyer des médecins en Italie et ailleurs, alors qu’il est loin d’être prospère ?

L’une des idées principales issues de la révolution cubaine est que chacun doit avoir accès aux soins de santé et à l’éducation, puisqu’il s’agit de droits humains. Cuba est donc fière de ces piliers de la révolution cubaine, et que sa population y ait toujours accès.

L’idée de l’internationalisme est née de la conviction que les soins de santé et l’éducation sont un droit pour tous. Cuba se considère comme la gardienne de ses frères et sœurs. Ainsi, dès lors qu’une nation sœur est frappée par une catastrophe, ou cherche à accéder aux soins de santé ou à l’éducation sanitaire pour son peuple, Cuba lui prêtera main forte. C’est l’un des principes de base de cette nation. C’est pourquoi Cuba a non seulement envoyé des brigades médicales dans le nord de l’Italie, mais aussi au Suriname, au Nicaragua, au Venezuela, en Jamaïque, à Grenade et en Chine, pour lutter contre le virus COVID-19. Les médecins en mission comprennent qu’ils se rendent souvent dans certaines contrées les plus reculées de ces pays, et qu’ils rendent les soins de santé disponibles pour des personnes, qui normalement n’y auraient pas accès.

L’année dernière, les nouveaux gouvernements de droite de pays tels que le Brésil et la Bolivie ont expulsé les médecins cubains. Or nous apprenons maintenant que le gouvernement brésilien souhaiterait le retour des médecins cubains, si la pandémie s’aggrave dans ce pays. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?

Malheureusement, aux États-Unis, nous avons une tradition de diabolisation de Cuba. Nous avons également incité de nombreux autres pays à se joindre à nos attaques. Dans beaucoup de pays dirigés par des gouvernements de droite, tels que le Brésil, les médecins cubains ont été désignés comme des « terroristes médicaux », ou dépeints comme étant mal équipés, et insuffisamment entraînés. Nous savons que ce sont des mensonges, et il est évident que, si c’était vrai, ces pays ne demanderaient pas le retour de ces mêmes médecins.

Comme je l’ai déjà dit, beaucoup de brigades qui se rendent dans ces pays, vont en fait dans des endroits où la plupart des médecins locaux refusent d’aller. Malheureusement, le prix à payer pour l’expulsion des médecins cubains du Brésil, et d’autres pays, est en fait qu’un vide a été créé. Les personnes qui auparavant n’avaient pas accès aux soins de santé, se retrouvent aujourd’hui à nouveau dans la même situation. La sanction est pénible pour Cuba, mais elle l’est plus encore pour les gens qui n’ont plus accès à son aide médicale.

Comment les Cubains réagissent-ils à la pandémie dans leur propre pays ?

Les étudiants en médecine de troisième, quatrième et cinquième année vont frapper à la porte des gens, pour s’assurer qu’aucune personne présentant des symptômes grippaux ou respiratoires spécifiques au coronavirus ne reste chez elle. Lorsqu’ils rencontrent quelqu’un qui a ces symptômes, ils se font un devoir de l’emmener dans un endroit où il pourra être examiné, pour s’assurer qu’il n’a pas été contaminé par le COVID-19. Les personnes dont le test s’avère positif, sont envoyées dans l’un des centres médicaux où elles sont traitées.

Le gouvernement insiste pour que les gens respectent les distances de sécurité et ne participent pas à des rassemblements. Ils ont décidé que pendant au moins un mois, aucun touriste ne sera autorisé à entrer dans le pays, afin de limiter au maximum le nombre de cas de COVID-19. Ils sont capables de faire face à une crise comme celle-ci, parce qu’ils ont déjà eu à affronter des situations d’urgence auparavant. Ils sont maintenant confrontés à de nombreuses pénuries en raison du blocus américain, mais en tant que nation, ils sont unis et ils font le nécessaire pour empêcher que le COVID-19 se répande plus largement.

En guise de conclusion, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le programme de bourses d’études que vous supervisez, et qui permet aux étudiants issus de la classe ouvrière de faire gratuitement des études de médecine à Cuba ?

Nous sommes affiliés à la Fondation interreligieuse pour l’organisation communautaire – Pasteurs pour la paix, et depuis 2001, nous servons d’entremetteur pour l’accès à la bourse d’études de la faculté de médecine ELAM-U.

S. Les personnes intéressées par le programme devraient consulter notre site internet IFCOnews.org. Dans l’onglet « formation médicale », elles trouveront toutes les explications sur les éléments requis pour accéder programme, et sur le cursus médical standard. Il s’agit d’un programme d’une durée de sept ans. Les étudiants reçoivent une formation médicale gratuite dans le cadre de la bourse d’études. Leurs uniformes, leur hébergement et leurs repas sont inclus. Ils recevront l’une des meilleures formations en médecine du monde. La condition pour obtenir cette bourse est que ces étudiants reviennent travailler ici, aux États-Unis, dans les communautés mal desservies.

Dans la procédure de candidature, nous exigeons que les étudiants maîtrisent un certain nombre de cours pré-médicaux. Nous recevons beaucoup d’appels de personnes d’autres pays qui vivent aux États-Unis. Nous pouvons uniquement faciliter l’octroi de bourses aux étudiants états-uniens et portoricains sur le continent. Chaque pays a son entité, et son gouvernement, qui s’engagent à faciliter l’octroi de bourses aux étudiants non américains.

Nous tenons à encourager les étudiants : si vous vous intéressez à la médecine, si vous voulez vous impliquer dans les communautés pauvres des États-Unis, vous devriez certainement envisager l’option que nous proposons. Nous avons également prolongé la période des demandes de candidature cette année. Notre date limite normale est le 15 mars. Compte tenu de la situation liée au coronavirus, nous avons prolongé ce délai. Nous ne savons pas quand nous le clôturerons. Les personnes intéressées peuvent donc encore s’inscrire maintenant pour demander une bourse d’étude, et si elles ont d’autres questions, elles peuvent nous contacter via notre site web, ou nous appeler au 212-926-5757 poste 5. Portside

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