Message important d’une psychologue Brésilienne qui a fait ses études a l’ Havane, à nous tous qui applaudissons tous les jours à 20 h, publié dans GranmaDe nombreux messages sur les réseaux sociaux présagent qu’après la crise épidémiologique que nous traversons aujourd’hui, nous serons meilleurs, plus solidaires, nous apprécierons davantage la vie et, surtout, nous serons capables de construire un monde différent, en mieux.
Cependant, sans être pessimistes, nous devons considérer que le monde ne sera pas nécessairement meilleur après cette crise, de façon spontanée, par le simple fait que nous le souhaitons. Au contraire, dans son livre « La stratégie du choc », Naomi Klein a montré comment, au cours des dernières décennies, à l’échelle mondiale, les scénarios de crise (dans lesquels les populations sombrent dans la peur et la désorientation, les économies sont dévastées et les États débordés dans leur capacité de réponse) ont été le terreau propice à l’application de réformes économiques structurelles en faveur du libre marché et au détriment du bien public.
L’avancée de la vague de privatisations a démantelé le rôle social de l’État, y compris dans des secteurs aussi stratégiques que la santé ou la défense nationale ; les dépenses sociales ont diminué et la précarisation (jusqu’aux ultimes conséquences possibles) des conditions de travail a endommagé la base des garanties conquises par les travailleurs au cours de tant d’années de lutte collective, les laissant sans aucune protection.
Le néolibéralisme n’a pas eu de terrain plus fertile que la catastrophe pour s’imposer, au point de la créer : les guerres au Moyen-Orient, cyniquement orchestrées au nom de la démocratie, en sont l’exemple le plus évident. Elles ont été une affaire fort lucrative, alors que les morts de civils ont été, tout simplement, considérées comme des dommages collatéraux. L’Équateur est, en Amérique latine, l’un des cas paradigmatiques de la façon dont le vide de la fonction sociale de l’État est à la base de la débâcle sanitaire qui nous terrifie aujourd’hui. Et pourtant, les cas similaires ne manquent pas à l’heure actuelle.
La crise est systémique, il n’y a pas d’autre façon de la comprendre. La mondialisation avait promis de balayer les frontières nationales au profit du progrès économique et que celui-ci, à lui seul, se traduirait en développement social. Mais, dans la pratique, son orientation néolibérale a conduit, essentiellement, à la privatisation des bénéfices, entre les mains d’une infime élite mondiale, et à la socialisation de tous les coûts. Résultat ? Nous le voyons aujourd’hui : les coûts se payent en vies humaines et ce qui tend à s’universaliser, c’est la mort des plus défavorisés.
La pensée néolibérale a beau s’obstiner à nous convaincre que chacun peut se sauver individuellement, la réalité que l’on nous dissimule est tout autre : face aux crises systémiques, les solutions biographiques sont insuffisantes. Il n’est pas mauvais que nous essayions d’être de meilleures personnes après avoir surmonté cette crise, que nous appréciions davantage la vie, que nous revoyons nos relations et que nous disions plus souvent : « Je t’aime », ou que nous commencions à profiter davantage de ce que nous avons. Cela serait bien si nous parvenions.
Tout processus de croissance personnelle est nécessaire, mais il ne sapera pas les structures de pouvoir responsables de la crise humanitaire que nous connaissons aujourd’hui et qui pourrait se répéter. Y compris notre bien-être personnel, celui qui concerne notre propre jouissance et de celui de nos espaces de relation les plus intimes, ne se réalisera pleinement qu’à travers notre capacité à développer une conscience critique de la société, de la culture et de l’époque dans laquelle nous vivons, et à nous articuler avec les autres sur la voie de la défense des garanties collectives et du bien commun, jusqu’aux dernières conséquences.
Il convient de regarder au-delà de la simple dimension individuelle, de se concentrer sur le monde et d’essayer de comprendre en profondeur le système qui, à l’échelle mondiale, cause les ravages que nous vivons actuellement. Nous ne pouvons pas faire de concessions au capitalisme à ce moment de l’histoire : quel autre système pouvons-nous tenir pour responsable du changement climatique, des conditions d’emploi précaire de millions de personnes, de la mort des plus vulnérables due à des maladies curables, de la faim ou aux guerres ; du manque d’eau potable, de nourriture et de médicaments pour de très larges secteurs de la population mondiale ; de la précarité des systèmes de santé publique, alors que des millions de dollars sont destinés à la fabrication d’armes de destruction massive, parce que c’est plus lucratif ?
Il nous faut défendre, depuis tous les espaces où cela sera possible, l’alternative contre-hégémonique que représente la construction du socialisme, les droits et les garanties que la Révolution cubaine a conquis et préservés ; valoriser la capacité que l’État a toujours montrée à Cuba, et qu’il démontre aujourd’hui encore avec aplomb, de défendre, par-dessus tout, le droit de chaque personne à la vie.
Ce n’est pas rien dans un monde tel que celui dans lequel nous vivons. Souhaitons que notre société continue à changer et que ce soit en mieux, que la pensée critique révolutionnaire ne fasse pas défaut et soit un exercice systématique, que les espaces et les modes de participation politique continuent à se perfectionner, mais que les changements, la critique et la participation continuent à avoir pour horizon la défense du bien commun à travers le socialisme.