Au mois de janvier, la présidente de Cubanismo.be, Isabelle Vanbrabant, a rendu visite à sa famille au Chili. Le vendredi prochain, elle parlera des protestations populaires qui s’y déroulent (vous êtes également les bienvenus). Depuis le 18 octobre 2019, le Chili est bouleversé. Des millions de personnes sont entrées en résistance contre le gouvernement de droite de l’actuel président Piñera.
Ce qui a commencé par une protestation contre l’augmentation des prix des tickets de métro s’est transformé en une résistance à grande échelle contre un système ultra-néolibéral qui a commencé sous la dictature du général Pinochet en 1973. »
Au Chili, ma famille a raconté des histoires hallucinantes. L’année passée, la mère de mon beau-frère est morte d’un cancer. Ce n’est que le mois dernier qu’il a reçu un appel téléphonique de la part d’un hôpital public. Il a été informé que les examens et les traitements demandés l’année dernière étaient enfin disponibles à ce moment-là. Il était trop tard.
Les fonds de pension privés font également l’objet de nombreuses critiques. Ils font le calcul du paiement des pensions sur la base d’un âge estimé à 110 ans !?, ce qui signifie évidemment que l’on est payé moins chaque année. Cependant, les assureurs se remplissent les poches, quand un « client » meurt à l’âge de, disons, 70 ans. L’espérance de vie moyenne au Chili est inférieure à 80 ans et encore beaucoup plus basse chez les plus pauvres.
Aujourd’hui, notre presse ne parle plus souvent des protestations. En effet, ces protestations sont devenues moins massives qu’en novembre, mais elles se poursuivent sans relâche. Chaque jour, dans les grandes villes du Chili, ont lieu des manifestations avec des barricades. À deux reprises, les étudiants ont réussi à boycotter les examens d’entrée à l’université (PSU). Tous les mouvements se préparent à une nouvelle vague de protestations à grande échelle à partir de la fin du mois de février. C’est le début de l’année scolaire dans l’enseignement secondaire. Ils se préparent en pariculier au 8 mars, la Journée internationale des droits de la femme. Au Chili, le mouvement des femmes est plus fort que jamais. Le spectacle puissant de rue contre le viol (El violador eres tu ) du collectif Las Tesis, qui a depuis conquis le monde, en est un symbole.
La colère est profonde et largement répandue. Parmi les nombreuses personnes que j’ai rencontrées, il y a un grand respect pour les manifestants de la première ligne, «
La primera linea ». Ce sont eux qui affrontent les forces de l’ordre chiliennes. À Valparaiso, je les ai vus plusieurs fois pendant les blocages quotidiens. Il s’agit principalement de très jeunes militants, mais aussi de familles. Tout le monde dit qu’ils sont si courageux parce qu’ils n’ont rien à perdre. La plupart d’entre eux sont issus du SENAME (Servicio Nacional de Menores), le service spécial de protection de la jeunesse au Chili. Ce sont des jeunes qui ont été placés pour cause de toxicomanie, de maladie, de maltraitance et de grande pauvreté. Officiellement, ils sont sous la protection du gouvernement, mais personne ne s’occupe d’eux. Ce sont eux qui reçoivent des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc.
Quelque chose se prépare au Chili et nous n’en avons pas encore vu la fin. Beaucoup de Chiliens ont aussi l’impression que le gouvernement lui rit au nez. Le renvoi du ministre de l’intérieur Chadwick a été considéré comme une victoire des protestations. Il s’est vu interdire d’occuper un poste gouvernemental pendant 5 ans. Piñera, après tout, l’a désigné comme garde du processus vers la nouvelle constitution… Cette nouvelle constitution est en fait l’une des revendications fondamentales du mouvement de protestation. Le fait qu’il s’agisse d’un same old boy qui surveille ce processus n’est pas de bon augure.