Plus de 1300 personnes de 94 pays différents ont participé à la conférence anti-impérialiste à La Havane, le week-end dernier (1-3 novembre 2019), dont Greet Daems, député PVDA*PTB au Parlement fédéral et moi-même, en tant que présidente du mouvement de solidarité Cubanismo.be.
L’enjeu de la conférence Des représentants de partis politiques mais surtout de syndicats et de mouvements sociaux à travers le monde ont fait le déplacement à Cuba. Le tout formait un mélange passionnant d’organisations. Le fil rouge : résister face à l’impérialisme et le néolibéralisme. Deux termes larges, qui ont reçu au cours de la conférence une signification concrète. L’enjeu est de rassembler toutes les forces progressistes d’Amérique Latine mais aussi à travers le monde et de booster la solidarité internationale, pas seulement à travers un échange des réalités concrètes des uns et des autres et des façons d’améliorer les choses, mais aussi par une meilleure coordination de la solidarité internationale. C’est le sociologue argentin Atilio Boron qui a souligné la nécessité d’une coordination mais aussi l’importance des médias sociaux. Après tout, nos adversaires aussi se coordonnent sur le plan international et utilisent les nouveaux médias d’une façon souvent bien plus efficace. L’actualité latino-américaine a fait l’objet d’une attention particulière : les sanctions renforcées du gouvernement Trump contre Cuba, la victoire électorale du candidat progressiste Fernandez en Argentine, la victoire d’Evo Morales en Bolivie et les tensions qui s’en sont suivies. La salle vibrait de solidarité dès que des Chiliens prenaient la parole. Ils avaient apporté des pots,des casseroles et des cuillères en bois, comme symbole des manifestations de masse qui se déroulent actuellement à travers tout le Chili : contre le néolibéralisme, trente ans après la dictature de Pinochet qui avait fait du Chili l’un des pays les plus inégalitaires du continent, où tous les services sont privatisés, même l’eau. Des mouvements équatoriens et haïtiens (qui protestent depuis des semaines contre les mesures d’économie du FMI) étaient eux aussi représentés. Le mouvement des femmes latino-américain, en t-shirts violets comme symbole du féminisme, a pris la parole à plusieurs reprises. Le Centre de Congrès de La Havane était habité d’un esprit combatif. Tout cela nous a donné un coup de boost pour continuer la lutte après la conférence. Et ça permet de se rendre compte qu’en Europe, on n’est pas si mal lotis. Nous pouvons être fiers de nos nombreux acquis sociaux, sans oublier toutefois qu’il ne faut pas longtemps pour les détruire. Nous avons trouvé très positive la dynamique de cette conférence avec autant de mouvements sociaux, de syndicats et de partis politiques. Ce n’est pas tous les jours que toutes ces organisations se réunissent en un seul lieu. A Cuba, c’est possible parce qu’ils mettent en oeuvre leur révolution de façon cohérence, à l’intérieur du parlement mais également dans le milieu du travail, dans la rue ou au sein d’organisations sociales. L’attractivité de Cuba en tant que modèle d’inspiration et stimulant à la résistance contre l’impérialisme, a sans aucun doute fait que les gens étaient motivés à se rendre à La Havane, malgré le prix souvent élevé du voyage.
Coordination internationale En raison de la nécessité d’une coordination internationale, nous avons participé au cours de la seconde journée à différentes commissions autour de plans d’action. Il n’était pas question de s’en tenir à des messages de solidarité. Greet et moi-même avons pris part à la conférence autour de la solidarité avec Cuba parce qu’il s’agit là du travail quotidien de Cubanisme.be. Nous avions la chance que cette conférence se déroule à l’ELAM, l’Ecole latino-américaine de Médecine, l’une des plus belles réalisations de la révolution cubaine. Nous y avons été accueillis par une haie d’honneur d’étudiants de 30 pays différents, très impressionnante ! Actuellement, une centaine de Palestiniens étudient à l’ELAM.
La commission de solidarité a été divisée en régions. En tant que présidente de Cubanismo.be, j’ai pris la parole au sein de la commission Europe. J’ai parlé de la nécessité de travailler de façon plus active envers le Parlement européen. Notre siège est à Bruxelles, nous devons donc prendre nos responsabilités. Mais nous devons d’abord travailler à créer un soutien auprès d’autres organisations de solidarité en Europe.
Rencontres Le côté le plus positif d’une telle conférence internationale est la possibilité de créer des réseaux et de faire de nouvelles rencontres. Il y a eu de nombreux échanges de cartes de visite et nous avons essayé de prendre une photo de chaque rencontre, même si cela n’a pas toujours marché. J’ai pu revoir des personnes qui avaient déjà été accueillies en Belgique : Gail Walker, responsable de l’importante organisation de solidarité étatsunienne Pastor for Peace, en compagnie de futurs médecins nord-américains ELAM venus de quartiers populaires aux USA. Il y avait là également Abel Prieto, grand intellectuel cubain que nous avons accueilli cette année dans le cadre de Che Presente. Nous avons aussi retrouvé avec bonheur les Cubains actifs au sein de notre organisation partenaire ICAP (Institut Cubain pour l’Amitié entre les Peuples). Nous avons eu un entretien très intéressant avec le président Fernando Gonzalez, l’un des Cinq Cubains pour lesquels nous avons mené pendant des années des actions avec Cubanismo.be.
Il y a eu aussi de nombreuses nouvelles rencontres, comme avec des activistes portoricains, actifs au sein du mouvement de libération : le Porto-Rico n’est toujours pas indépendant des USA et a un statut dévalorisé. A l’hôtel, nous étions en compagnie d’une délégation syndicale internationale des travailleurs de la poste du Canada, de Colombie, du Venezuela et de Trinidad & Tobago. C’était passionnant de les entendre parler de leur travail syndical. En tant que Flamande polyglotte, je pouvais faciliter la communication entre des délégations ne parlant pas la langue les unes des autres.
Une conclusion encourageanteCe n’était pas annoncé mais à la conférence de clôture étaient présents tant le président de Cuba, Diaz-Canel, que Raul Castro et Nicolas Maduro, président du Venezuela. Un signal clair qu’ils ne sont pas prêts à renoncer à leur alliance, malgré la pression des Etats-Unis et de l’Europe. Tant le président venezuelien que celui de Cuba ont évoqué les insinuations comme quoi ils seraient derrière les insurrections populaires en Amérique Latine (Chili, Honduras, Equateur). Ils balaient ces accusations d’un revers de la main. “Ouvrez les yeux, establishment nord-américain. Le peuple descend dans la rue contre votre modèle, contre le néolibéralisme qui cause une grande inégalité au sein de la société.” Diaz-Canel a rappelé les belles paroles de Salvador Allende : “Se abrirán las grandes alamedas por donde pase el hombre libre” ( De larges voies vont s’ouvrir le long desquelles passera l’homme libre).