Carlos Manuel de Céspedes, au nom de la liberté (partie 1/4)

Brève histoire du père de la patrie cubaine, par Salim Lamrani, spécialiste, docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Son dernier ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet. A l’occasion du 200e anniversaire de Carlos Manuel de Céspedes, nous vous proposons la contribution (en 4 parties) de Salim Lamrani, parue dans L’Humanité. (Première partie)Introduction La première guerre d’indépendance de Cuba, déclenchée le 10 octobre 1868 par l’Appel de Yara, marqua le début de la longue épopée révolutionnaire du peuple de Cuba dans sa quête de liberté. Celle-ci durerait près de trente ans, ferait face à d’innombrables obstacles et déboucherait sur l’intervention militaire des Etats-Unis qui briserait pour plus d’un demi-siècle l’aspiration des habitants de l’île à l’émancipation définitive. Face à l’oppression coloniale, suite à la vague indépendantiste survenu dans le reste de l’Amérique latine, les Cubains s’insurgèrent pour revendiquer leur droit à l’auto-détermination. A l’origine du premier mouvement indépendantiste cubain, Carlos Manuel de Céspedes cimenta l’aspiration de son peuple à l’émancipation dans un principe inaliénable à la dignité humaine : la liberté pour tous les enfants de l’île quelle que soit leur condition. La libération des esclaves, décrétée par le « Père de la Patrie », fut le premier acte politique de Cuba en tant que nation, suivant ainsi l’exemple donné par Toussaint Louverture en Haïti quelques décennies plus tôt.

Quel fut le parcours personnel et surtout politique de Carlos Manuel de Céspedes et pourquoi renonça-t-il à ses intérêts de classe au nom d’un idéal plus grand ? Carlos Manuel de Céspedes s’engagea dès son jeune âge en faveur de la cause de l’émancipation humaine et de l’indépendance de Cuba. Il sera à l’origine du soulèvement du 10 octobre 1868 et instaurera la République de Cuba en armes, luttant vaillamment contre un ennemi supérieur en nombre et en armements, tentant de maintenir l’unité au sein des forces révolutionnaires. Face à la brutalité de l’armée coloniale espagnole et à l’opposition des Etats-Unis à l’indépendance de Cuba, le Père de la Patrie luttera avec conviction et pugnacité. Néanmoins, après avoir été trahi et abandonné par l’ambition et l’orgueil de certaines figures du mouvement indépendantiste qui préfèreront subordonner l’intérêt de la Patrie à leurs considérations personnelles, il tombera les armes à la main, refusant d’être fait prisonnier par les Espagnols. Carlos Manuel de Céspedes restera dans l’histoire de Cuba comme l’Homme du 10 octobre 1868, c’est-à-dire comme étant le premier à s’être élevé contre l’oppression coloniale et à revendiquer le droit de Cuba à la liberté.1. Jeunesse de Carlos Manuel de CéspedesNé le 18 avril 1819 à Bayamo de l’union de Jesús María Céspedes y Luque et de Francisca de Borja López de Castillo y Ramírez de Aguilar, Carlos Manuel de Céspedes grandit au sein d’une famille aisée de cinq enfants. Ses parents, dont les ancêtres étaient originaires d’Andalousie, étaient d’importants propriétaires terriens et lui offrirent une vie d’aisance et de confort matériel. Le petit Carlos passa les premières années de sa vie à la campagne. Il fut élevé par une femme esclave qui prit grand soin de lui, se chargea de son éducation première et à laquelle il voua une grande affection[1].

Vers 1825, sa famille retourna à Bayamo et l’inscrivit dans une petite école où il reçut un enseignement primaire. En 1829, il intégra le couvent de Nuestro Seráfico Padre de la ville pour y suivre des études de philosophie et de latin. En 1831, il entra au couvent de Saint-Domingue pour recevoir des cours de grammaire latine et se révéla être un excellent élève. En 1833, sa famille décida alors de l’envoyer au Collège séminariste royal et conciliaire de San Carlos de La Havane, suivant ainsi une tradition réservée aux classes aisées. Il y reçut des cours de Félix Varela et de Juan Antonio Saco, deux importantes personnalités de l’Histoire de Cuba. Il fréquenta par la suite l’Université de La Havane où il obtint son diplôme en droit civil en 1838[2].

Un an plus tard, en 1839, il se maria avec sa cousine germaine María del Carmen Céspedes. De cette union naquirent María del Carmen, Carlos Manuel et Oscar. Dès 1840, il quitta Cuba pour l’Espagne et poursuivit ses études à l’Université de Cervera de Barcelone. Durant son séjour, il s’imprégna du sentiment indépendantiste des Catalans et de leur rejet des autorités de Madrid et s’intéressa à la situation politique de la péninsule. En 1843 survint le soulèvement du Général Juan Prim contre le pouvoir central espagnol. Carlos Manuel de Céspedes participa à l’insurrection et devint capitaine des milices civiles. Mais suite à l’échec de la rébellion, il fut contraint à l’exil en France. En visitant plusieurs pays européens, dont la France, l’Italie, l’Allemagne, et l’Angleterre, Céspedes devint polyglotte et découvrit surtout une réalité différente de celle de la Cuba coloniale opprimée. Il prit alors conscience que son destin était de lutter pour la liberté de sa patrie[3].2. L’engagement politique en faveur de l’indépendanceEn 1844, Carlos Manuel de Céspedes décida de rentrer à Cuba, imprégné d’idées progressistes acquises durant son séjour en Europe et s’installa dans sa ville natale où il ouvrit un cabinet d’avocat. Son origine sociale, son érudition et son expérience européenne lui permirent de conquérir une clientèle solide[4].

Révolté par la politique coloniale espagnole, Carlos Manuel de Céspedes exprima régulièrement son indignation. Lorsqu’un banquet fut organisé par Toribio Gómez Rojo, gouverneur de Bayamo, pour célébrer l’exécution en septembre 1851 du révolutionnaire vénézuélien Narciso López, auteur de plusieurs expéditions pour libérer Cuba, Céspedes dénonça publiquement cet acte. Il fut donc arrêté par les autorités et effectua son premier séjour de quarante jours en prison[5].

Après être sorti des geôles espagnoles, Céspedes décida de déménager à Manzanillo en 1852. Ses positions politiques lui valurent un nouveau séjour derrière les barreaux et même un exil forcé à Baracoa. En 1855, il fut de nouveau arrêté par les autorités coloniales en raison de son engagement en faveur de l’émancipation de Cuba. Après sa libération, il s’occupa de ses affaires, affectées par ses séjours répétés en prison et ébaucha en secret ses premiers plans pour une Cuba libre[6].

En 1867, il se porta acquéreur de la plantation sucrière La Demajagua, à Manzanillo. Il échafauda un plan insurrectionnel en compagnie de plusieurs compatriotes dont Pedro Figueredo, auteur de La Bayamesa, hymne national cubain. Cet hymne fut directement inspiré de la première chanson d’amour du même nom produite en 1848 par Céspedes et Francisco Castillo Moreno pour la musique, et José Fornaris pour les paroles. Figueredo décida de conserver la musique et d’écrire un chant révolutionnaire grandement inspiré de La Marseillaise[7].3. Le soulèvement du 10 octobre 1868En 1868, Carlos Manuel de Céspedes organisa des réunions avec plusieurs comités patriotiques de la région intégrés par d’importantes figures de l’imminente guerre d’indépendance telles que Belisario Alvarez, Salvador Cisneros Betancourt ou Isaías Masó. Le 4 août 1868, Céspedes participa à une junte révolutionnaire dans la propriété San Miguel de la ville de Las Tunas. Il y lança un appel au soulèvement : « Messieurs, L’heure est solennelle et décisive. Le pouvoir de l’Espagne est caduc et vermoulu. S’il nous paraît toujours solide et grand, c’est parce que cela fait plus de trois siècles que nous le contemplons à genoux. Levons-nous[8] ! ».

Alors que Céspedes souhaitait lancer le mouvement insurrectionnel dans les plus brefs délais, il se heurta à l’opposition des représentants de Camagüey, Salvador Cisneros Betancourt et Carlos Mola, qui préférèrent en retarder la date en raison du manque d’armes. Céspedes décida de fixer la date du soulèvement au 14 octobre 1868. Mais le projet révolutionnaire fut éventé par le capitaine général espagnol Francisco Lersundi qui, dans un télégramme du 7 octobre, ordonna la capture du leader cubain. Averti à temps par le télégraphiste Nicolás de la Rosa, Céspedes convoqua les forces indépendantistes le 9 octobre dans sa propriété La Demajagua et avança la date de l’insurrection[9].

Le 10 octobre 1868, à La Demajagua, Carlos Manuel de Céspedes lança l’Appel de Yara au cri de « Vive Cuba libre ». Il proclama l’indépendance de Cuba et décréta l’insurrection à la tête de près de 150 révolutionnaires. Dans le manifeste, il expliqua les raisons de la révolte : « En nous soulevant en armes contre l’oppression du gouvernement espagnol tyrannique, nous manifestons au monde les causes qui nous ont obligé à franchir ce pas […]. L’Espagne nous impose sur notre territoire une force armée qui n’a d’autres but que de nous soumettre au joug implacable qui nous avilit[10] ».

Céspedes ordonna par la même occasion la libération tous les esclaves, en commençant par les siens, faisant ainsi de l’émancipation de tous les habitants de l’île le premier acte politique de la nation cubaine. Il invita les nouveaux hommes libres à rejoindre les rangs de l’insurrection :Nous croyons que tous les hommes sont égaux. Nous admirons le suffrage universel qui assure la souveraineté du peuple. Nous souhaitons l’émancipation graduelle et après indemnisation de l’esclavage […]. Nous exigeons le respect religieux des droits imprescriptibles de l’être humain, en nous constituant en nation indépendante, parce qu’ainsi nous réalisons la grandeur de nos destins futurs et parce que nous sommes convaincus que sous le joug de l’Espagne, nous ne jouirons jamais de l’exercice libre de nos droits[11].

Le 11 octobre 1868, Céspedes livra son premier combat dans le village de Yara à la tête de la jeune Armée de Libération. Partis fédérer les habitants au projet émancipateur, les révolutionnaires furent surpris par une colonne militaire espagnole qui accueillit les insurgés sous une pluie de balles. Contraints de se retirer en hâte, les patriotes essuyèrent leur première défaite. La troupe fut réduite à douze insurgés. Angel Maestre, futur Général de brigade de l’Armée de libération, relata la situation : « Nous sommes restés sur les lieux avec Céspedes, douze hommes et le drapeau que j’avais en ma possession. Quelqu’un s’est exclamé : ‘Tout est perdu !’. Céspedes répliqua immédiatement : ‘Nous sommes encore douze. C’est suffisant pour obtenir l’indépendance de Cuba[12]’ ».

Dès le 18 octobre, Céspedes fit le siège de la ville de Bayamo et l’hymne national de Cuba de Pedro Figueredo, La Bayamesa, retentit pour la première fois de l’Histoire. Le 20 octobre, la ville tomba entre les mains des insurgés. Céspedes prit momentanément le grade de capitaine général de l’Armée de Libération pour se situer au même rang protocolaire que le représentant de la couronne espagnole dans l’île. Dans un vibrant discours, il appela à la libération de tous les esclaves. Selon lui, les insurgés cubains ne pouvaient se présenter au monde comme des défenseurs de l’émancipation humaine s’ils ignoraient le sort de la classe exploitée et humiliée depuis des siècles[13].

Le 27 décembre 1868, Céspedes signa le décret d’abolition de l’esclavage à Cuba. En proclamant l’indépendance de la patrie, la révolution revendiqua également « toutes les libertés ». Celles-ci ne pouvaient être limitées « à une seule partie de la population du pays ». « La Cuba libre est incompatible avec la Cuba esclavagiste », souligna le texte de loi. « L’abolition des institutions espagnoles doit inclure et inclut par nécessité et au nom de la plus haute justice celle de l’esclavage comme la plus inique de toutes ». L’élimination de l’exploitation de l’homme par la force « doit être le premier acte que le pays réalise en usage de ses droits conquis[14] ».

L’Espagne lança une offensive contre Bayamo pour reprendre le contrôle de la ville. Céspedes organisa la défense du territoire mais dut également faire face à l’opposition du comité révolutionnaire de Camagüey, dirigé par Salvador Cisneros Betancourt. Ce dernier, mécontent de la nomination du patriote de Manzanillo en tant que leader de l’insurrection, refusa d’apporter son concours à la lutte et affaiblit le mouvement indépendantiste. Après des combats acharnés, face à la supériorité de l’armée coloniale espagnole, le 11 janvier 1869, les habitants de Bayamo refusèrent d’abandonner la zone à l’ennemi. Ils rejetèrent toute idée de reddition et décidèrent de brûler la ville, ne laissant que des ruines aux soldats de la péninsule[15].

Conscientes de la gravité de la situation et de la détermination des indépendantistes, dès le 19 janvier 1869, les autorités espagnoles firent parvenir une proposition de médiation à Carlos Manuel de Céspedes. Dans sa réponse, le patriote cubain exprima sa résolution à lutter pour la liberté de Cuba :Je crois que toutes les propositions seront infructueuses si elles n’incluent pas une indépendance de Cuba, parce qu’il n’y a pas un seul soldat de l’Armée de Libération qui ne soit pas disposé à mourir plutôt que de déposer les armes et subir à nouveau le joug des Espagnols. L’incendie de Bayamo et du village de Dátil, par les Bayamais eux-mêmes, la guerre que nous menons contre les troupes de Valmaseda, qui nous traitent comme les conquistadors d’Espagne traitaient les enfants primitifs de ce pays, la mort de personnalités distinguées, tous les sacrifices que nous avons faits pour montrer au monde que nous ne sommes pas aussi résignés et lâches que [nos ennemis] l’ont souvent répété, sont des preuves suffisantes pour que l’Espagne soit convaincue qu’il n’y a pas de pouvoir qui puisse étouffer nos aspirations ni contenir l’élan d’un peuple qui souhaite seulement être libre[16].

Le capitaine général de Cuba décida de contacter directement Carlos Manuel de Céspedes et l’invita à mettre un terme à la « lutte fratricide ». Dans sa réponse du 28 janvier 1869, le leader révolutionnaire exprima le point de vue des Cubains et dénonça la violence de la monarchie :On nous a déclaré une guerre d’extermination pour le seul fait d’avoir brandi dans notre patrie le drapeau de la liberté. J’ai utilisé tous les moyens pour qu’il n’y ait pas de représailles, mais les chefs espagnols qui opèrent dans cette région et dans la zone centrale font preuve d’un orgueil vain et inqualifiable. Ils n’ont répondu à aucune de mes communications et ont persisté à incendier tout sur leur passage, détruisant les propriétés, tuant les animaux domestiques et s’emparant de nos femmes et de nos enfants. [A ces crimes], nous avons répondu en incendiant nos demeures de nos propres mains pour faire comprendre, à ceux qui n’ont d’aucune façon les pratiques les plus reconnues de la guerre entre hommes civilisés, qu’il n’y a pas de sacrifice auquel nous ne soyons pas disposés pour mener à terme la campagne que nous avons entreprise[17]. En rédigeant sa missive, Céspedes apprit qu’un patriote envoyé auprès des autorités militaires pour parlementer avait été assassiné, en transgression des lois élémentaires régissant les conflits, lesquelles stipulaient que la vie des messagers était inviolable. Il exprima son indignation au capitaine général espagnol : « On m’a informé depuis Guáimaro que le courageux et distingué Général Augusto Arango de Camagüey a été assassiné par des volontaires mobilisés. Ce fait scandaleux a produit une grande colère parmi nous et a pour résultat qu’aucun patriote n’est désormais disposé à traiter avec le gouvernement que vous représentez ». Loin d’abandonner la voie des armes, les indépendantistes proclamèrent l’avènement de la République[18].[1] Salvador Bueno Menéndez, Carlos Manuel de Céspedes, México, Frente de Afirmación Hispanista, A. C., 2004, p. 3.[2] Delfín Xiqués Cutiño, “Carlos Manuel de Céspedes: el padre de todos los cubanos”, Granma, 17 avril 2019. www.granma.cu/hoy-en-la-historia/2019-04-17/carlos-manuel-de-cespedes-el-padre-de-todos-los-cubanos-17-04-2019-11-04-45 (site consulté le 28 juin 2019).[3] Rafael Acosta de Arriba, Apuntes sobre el pensamiento de Carlos Manuel de Céspedes, La Havane, Editorial de Ciencias Sociales, 1996, p. 7.[4] Fernando Portuondo del Prado & Hortensia Pichardo Viñals, Carlos Manuel de Céspedes: Escritos, Tomo I, La Havane, Editorial de Ciencias Sociales, 1974, p. 21.[5] Ibid., p. 28.[6] Leonardo Grimán Peralta, Carlos Manuel de Céspedes: análisis caracterológico, Universidad de Oriente, Departamento de Extensión y Relaciones Culturales, 1954, p. 31.[7] Fernando Portuondo del Prado & Hortensia Pichardo Viñals, Carlos Manuel de Céspedes: Escritos, Tomo I, op. cit., p. 28.[8] Hortensia Pichardo & Fernando Portuondo, Dos fechas históricas, La Habana, Editorial de Ciencias Sociales, 1989, p. 20.[9] Ramiro Guerra, A History of the Cuban Nation: The Ten Years War and other Revolutionary Activities, Volume 5, Editorial Historia de la Nación Cubana S. A., 1958, p. 13-15.[10] Carlos Manuel de Céspedes, Decretos, Barcelona, Red Ediciones, 2019, p. 9.[11] Ibid., p. 11.[12] Carlos Manuel de Céspedes, Carlos Manuel de Céspedes, Paris, Paul Dupont, 1895, p. 12.[13] Fernando Portuondo del Prado & Hortensia Pichardo Viñals, Carlos Manuel de Céspedes: Escritos, Tomo I, op. cit., p. 69.[14] Carlos Manuel de Céspedes, Decretos, op. cit., p. 13.[15] José Martí (Andrés Sorel, ed.), Contra España, Tafalla, Editorial Txalaparta, 1999, p. 68-69.[16] Carlos Manuel de Céspedes, Carlos Manuel de Céspedes, op. cit., p. 20.[17] Carlos Manuel de Céspedes, Carlos Manuel de Céspedes, op. cit., p. 22.[18] Ibid.

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