Le 10 janvier, le président vénézuélien Nicolas Maduro a entamé son deuxième mandat. Raison pour laquelle, tant à l’intérieur qu’à l’extérieure, l’opposition se mobilise, pour la énième fois, afin de discréditer le gouvernement Maduro. La Colombie et le Brésil, pays voisins, jouent le rôle de pionniers dans cette offensive, avec l’appui direct des Etats-Unis. Cependant, le Venezuela est beaucoup moins isolé qu’il n’apparait à première vue.
Pourquoi cette nouvelle attaque contre le gouvernement du Venezuela ?
Au mois de mai de l’année passée,le président Maduro a gagné les élections avec 68% des voix, et, conformément à la Constitution, une nouvelle période présidentielle a commencé le 10 janvier 2019 jusqu’en 2025.
Etant donné que les Etats-Unis et ses alliés sur le continent américain, réunis dans le Groupe de Lima (voir plus d’infos en bas), n’ont jamais accepté les résultats de ces élections, ils se servent de cette date pour lancer une nouvelle attaque contre le gouvernement Maduro en essayant de l’isoler.
Déclaration du Groupe de LimaA peine quelques jours avant que Nicolas Maduro ne prête serment pour un nouveau mandat, les pays du Groupe de Lima ont de nouveau voté une résolution contre le Venezuela. Le Brésil et la Colombie prennent la tête de cette offensive. Lors de leur réunion, un autre invité était présent, par le biais d’une conférence vidéo : Mike Pompeo, ministre des affaires étrangères des Etats-Unis. Officiellement, les Etats-Unis ne sont pas membres de cette alliance, mais il est clair que, dans les coulisses, ce sont eux qui tirent les ficellesDans la déclaration, il est dit qu’à partir du 10 janvier, le Groupe de Lima ne reconnaîtra plus le Président Maduro comme président du Venezuela. Il appelle dès lors à organiser de nouvelles élections.
Cette déclaration du Groupe de Lima n’est pas la première de ce genre. Mais ce qui est remarquable est le fait que, cette fois-ci, outre des actions diplomatiques, elle appelle aussi à appliquer des sanctions économiques afin de mettre le Venezuela sous pression.
La position du MexiqueLa résolution a été signée par tous les membres du Groupe de Lima, sauf le Mexique, qui s’est abstenu du vote « afin de laisser ouverts les canaux diplomatiques avec Caracas en vue de trouver une solution pour la crise politique dans ce pays ».
Il est clair que le Mexique, depuis peu dirigé par Lopez Obrador (dit AMLO, d’après ses initiales), suit une autre ligne qu’auparavant. Ces dernières décennies, les gouvernements successifs du Mexique ont suivi la ligne des Etats-Unis. Avant, au sein du Groupe de Lima, le Mexique faisait aussi partie de l’avant-garde de ceux qui critiquaient ouvertement le gouvernement Maduro.
Cependant, depuis le début de son mandat, AMLO défend une politique basée sur les principes de non-ingérence et du respect de la souveraineté, et il l’applique aussi à ses relations avec le Venezuela. Le président expliquait ce principe en disant que « le respect des droits des autres est la paix ».
Lors de la fameuse réunion du 4 janvier, le représentant du Mexique a demandé au Groupe de Lima de réfléchir quant aux « conséquences pour les Vénézuéliens suite à des mesures visant à s’ingérer dans les affaires internes qui empêchent le dialogue entre les acteurs concernés et la communauté internationale ».
Le rôle des Etats-UnisMike Pompeo était non seulement invité à suivre la dernière réunion du Groupe de Lima, il avait aussi dirigé les préparations de celle-ci. Durant la première semaine de janvier 2019, lors de sa tournée de l’Amérique Latine, il a rencontré plusieurs alliés des Etats-Unis. Cette tournée visait explicitement à trouver des alliés pour une offensive contre ce que son collège Bolton avait appelé « la troika du mal », à savoir Cuba, le Nicaragua et le Venezuela. Nuisibles parce qu’ils ne se trouvent pas dans le camp idéologique des Etats-Unis. Les Etats-Unis ont toujours considéré l’Amérique Latine comme leur arrière-cour, parce qu’ils y défendent des intérêts stratégiques et économiques. Voilà pourquoi leurs dirigeants ont tout intérêt à obéir aux Etats-Unis, ce que ne font pas les trois pays sus-cités.
Pompeo assistait à l’investiture de Jair Bolsonaro, le nouveau président d’extrême-droite du Brésil. Après ses rencontres avec ce dernier et son ministre des affaires étrangères, Ernesto Araujo, il a discuté de l’efforts communs contre ces trois pays. Plus tard, Pompeo a dit à la presse que ses alliés brésiliens et lui partageaient « un profond désir du retour de la démocratie » au Venezuela. En outre, les Etats-Unis ont aussi négocié avec Bolsonaro une nouvelle base militaire étasunienne, ce qui montre que le discours aggressif pourrait être traduit en actions.
La dernière étape de Pompeo a eu lieu dans la ville colombienne Cartagena, où il a tenu une réunion et une conférence de presse commune avec Ivan Duque, le futur président de la Colombie. Duque a déclaré de son côté, que « tous les pays qui défendent la démocratie devraient s’unir pour rejeter la dictature du Venezuela ».
Il est donc clair que le Groupe de Lima prend une position après concertation et coordination avec les Etats-Unis, ce qui explique pourquoi Pompeo en personne était présent à la réunion. L’appel aux sanctions économiques à côté de l’isolement diplomatique est visiblement en ligne avec les sanctions étasuniennes contre le Venezuela.
Et maintenant ?
Si les Etats-Unis et le Groupe de Lima ne reconnaissent plus le gouvernement Maduro, on pourra se limiter à faire de grandes déclarations, comme nous le constatons à présent, ou il peut y avoir des conséquences diplomatiques comme, par exemple, le retrait d’ambassadeurs, ou la reconnaissance d’un gouvernement en exil. Il semble que cela ne se produira pas dans l’immédiat. Les sanctions économiques des Etats-Unis et de ses alliés contre le Venezuela seront probablement davantage étendues. Les Etats-Unis examinent actuellement s’ils peuvent sanctionner le secteur de l’or du Venezuela. Car le Venezuela ne possède pas seulement les plus grandes réserves d’or noir au monde, il est aussi classé dans la liste des pays ayant les plus grandes réserves d’or au monde.
La menace reste présente que les Etats-Unis engagent, en utilisant le territoire des pays voisins, le Brésil et la Colombie, une offensive militaire sous la couverture d’une ‘intervention humanitaire’. Cela est certain si les ambitions des Etats-Unis d’avoir une nouvelle base militaire au Brésil se réalisent.
Ce n’est pas par hasard si Mike Pompeo choisit précisément ces deux pays pour jouer le rôle d’avant-garde offensive contre le Venezuela. Et avec Jair Bolsonaro au pouvoir, les Etats-Unis ont un allié idéologique. L’homme est en effet appelé le Trump des Tropiques.
Le Venezuela est-il vraiment si isolé ?
La position du nouveau président du Mexique contrecarre l’opposition nationale et internationale contre le gouvernement Maduro. En interne, le Groupe de Lima est divisé en ce qui concerne le radicalisme de l’offensive contre le Venezuela. A l’issue de la réunion, le représentant du Chili parlait d’un « choix de plusieurs options de mesures » que chaque pays peut prendre à l’égard du Venezuela. Ce qui signifie que le Groupe ne se prononce pas vraiment d’une seule voix. .
Le Venezuela peut continuer à compter sur le soutien de ses fidèles alliés Cuba, le Nicaragua et la Bolivie. Leurs trois présidents étaient présents à l’investiture de Maduro à l’occasion de son deuxième mandat, tout comme le président du Salvador. Dans leur message, ils appelaient à la solidarité avec leur pays frère, sérieusement menacé par l’ingérence étasunienne.
Cependant, en Europe aussi, une autre opinion se fait entendre de la part de l’Espagne, membre important de l’UE lorsqu’il s’agit de la politique étrangère relative à l’Amérique Latine. Alors que sous la pression du gouvernement précédent, le parti conservateur de droite PP, un lobbying énergique avait été réalisé, par le biais du Parlement européen, pour des sanctions européennes à l’égard de quelques ministres du gouvernement Maduro, le nouveau gouvernement progressiste de l’Espagne, avec le ministre des affaires étrangères Josef Borrell, suit une tout autre ligne politique. Elle s’inspire des positions de l’ancien premier ministre, Zapatero, qui, en tant que médiateur entre l’opposition et le gouvernement du Venezuela, plaide, depuis des années, pour le dialogue et la paix.
Borrell a souligné que, selon lui, la seule solution à la crise au Venezuela est « une solution négociée parmi les Vénézuéliens eux-mêmes ». En ajoutant que la cohérence avec cette position est la raison pour laquelle l’Espagne, de nouveau sur la même ligne que le Mexique, ne se joindra pas à la plainte contre le gouvernement de Nicolas Maduro auprès de la Cour pénale internationale (ICC),.
Reste à voir comment l’Europe se positionnera à l’égard du deuxième mandat du président Maduro : avec plus de dialogue, ou avec plus de sanctions ? Le Groupe de Lima : une alliance de gouvernements de pays constituée le 8 août 2017, avec pour but de s’ingérer dans la politique du Venezuela et de son gouvernement constitutionnellement élu par le peuple et réélu en mai 2018. Il est composé des gouvernements de l’Argentine, du Brésil, du Canada, du Chili, de la Colombie, du Costa Rica, du Guatemala, du Honduras, du Mexique, de Panama, du Paraguay et du Pérou.