Dimanche dernier, le parlement cubain a adopté à l’unanimité l’avant-projet d’une nouvelle constitution. Le projet réaffirme le caractère socialiste de la société tout en établissant une base constitutionnelle permettant de développer davantage le secteur privé. La réforme des structures de L’État ainsi que l’ouverture au mariage homosexuel ont également attiré l’attention. Suivront encore plusieurs consultations et, au final, il appartiendra au peuple de se prononcer sur le texte définitif par le biais d’un référendum.
Trois siècles de constitutions La première constitution cubaine voit le jour en 1869. Elle sera suivie par celles de 1878, 1895, 1897, 1901 et 1940. En 1976 est établie la première constitution du Cuba socialiste. Elle sera modifiée en 1978, 1992 et en 2002. La constitution de 1976 est validée par un référendum auquel participent plus de six millions de Cubains, dont 96 % l’approuvent. La dernière révision a, elle aussi, eu lieu dans un contexte d’une mobilisation de millions de Cubains et de référendum. Depuis 1976, toutes les modifications passent par une large consultation sociétale et amendement populaire.
Le Parti communiste cubain (PCC) a pris l’initiative, en créant, en 2013, un groupe de travail. La révision prend pour point de départ la pensée de Fidel Castro, les discours et orientations de Raoul Castro, les Directives pour la politique socio-économique (2011) et ses mises à jour (2016), la conférence national de parti de 2012, le septième congrès du parti de 2016 ainsi que le texte conceptuel relatif au modèle socio-économique du développement socialiste qui y fut approuvé. La nouvelle constitution doit jeter la base légale des évolutions sociales, politiques et économiques actuelles et futures, entre autres en ce qui concerne le rôle du secteur privé de l’économie, les investissements étrangers, etc.
En juin 2018, le parlement a donné son accord pour réviser la Constitution et a, à cet effet, créé une commission composée de 33 députés. Cette commission a recueilli l’avis de plusieurs experts et institutions, a analysé les constitutions de pays comme le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur, la Chine et le Vietnam, sans, évidemment, négliger sa propre évolution depuis la constitution cubaine de 1940. Sur cette base, la commission a rédigé un projet de texte.
ModificationsCette révision de la constitution va beaucoup plus loin que la précédente, et elle est aussi plus vaste : 87 articles de plus que la présente, dont 113 articles sont modifiés et 13 sont abrogés. Un aperçu des modifications principales :La reconnaissance de plusieurs formes de propriété, dont celle de tout le peuple, la propriété mixte et la propriété privée. La richesse ne peut pas être concentrée, lisez on ne permettra pas que surgisse une petite classe de riches. Le rôle du marché est reconnu, mais l’État doit veiller qu’il sert l’intérêt général et le socialisme.
Le mariage est défini comme l’union entre deux personnes, et non plus uniquement entre un homme et une femme.
L’investissement étranger est reconnu comme un élément important du développement économique du pays.
Il y a des changements profonds dans les structures de l’État : les postes de président et de premier ministre sont créés, dans les deux cas avec un mandat de deux fois cinq ans au maximum. Les parlements provinciaux sont supprimés et remplacés par des gouverneurs et des conseils où siègent les présidents des conseils communaux. Le mandat communal aura aussi une durée de cinq ans au lieu des 2,5 ans actuellement. L’autonomie municipale est reconnue en matière de gestion afin de répondre mieux et plus rapidement aux problèmes de la localité, avec la mise en place de mécanisme de participation citoyenne. Un intendant (fonctionnaire dirigeant) dirigera la commune.
Un Conseil électoral national permanent sera installé, qui organisera, dirigera et contrôlera tous les processus électoraux et de consultation populaire.
Les droits des personnes sont uniquement limités par les droits des autres, la sécurité collective, l’intérêt général, le respect de l’ordre public ainsi que par les normes juridiques du pays. De nouveaux droits sont accordés, comme le droit à l’information, le habeas corpus*, l’accès au tribunal pour la réparation de droits et l’indemnisation.
Socialisme et partiL’État doit assurer un développement durable qui garantit la prospérité individuelle et collective, œuvrer pour plus d’égalité et de justice sociale et préserver les acquis de la révolution. La propriété D’État, l’entreprise d’État autonome et la planification doivent continuer à jouer leur rôle fondamental, les travailleurs doivent être impliqués dans la direction, la régulation et le contrôle de l’économie.
On ne cherche pas à changer le rôle dirigeant du PCC et l’idéologie socialiste, et l’éducation et les soins de santé – gratuits jusqu’à un certain niveau – restent ancrés dans la constitution.
Débat sociétalComme déjà dit, il s’agit d’un projet de texte, qui subira encore beaucoup de modifications au travers de milliers de débats qui auront lieu partout, de mi-août jusqu’au mi-novembre. Par ailleurs, les débats parlementaires ont été transmis et largement couverts par la presse. Le premier jour, il n’y avait pas moins de 84 interventions, notamment sur le mariage (homo)sexuel, la liberté de presse et la liberté d’expression.
La révision de la constitution donne l’opportunité à tous de participer à la discussion sur le genre de société voulu et la responsabilité que l’on y veut assumer, dans un monde de contradictions et d’inégalités. C’est exactement le sujet de la politique, non ?
Le parlement devra adopter la révision de la constitution avec une majorité de trois quarts, et puis il faudra qu’une majorité du peuple aussi la valide par le biais d’un référendum.
Le 11 (néerlandais) et le 12 (français) août, cubanismo.be propose, dans le cadre de l’Université d’été, une journée d’information et de débat sur Cuba. Le projet de la nouvelle constitution y sera présenté. Plus d’infos ici. * Principe de droit assurant à toute personne arrêtée qu’elle sera traduite devant le juge afin de faire constater la raison de l’arrestation, ce qui constitue une garantie contre les arrestations et détentions arbitraires.