Depuis mi-avril, le Nicaragua vit des semaines perturbées Dans le NYT du 27 avril, on parle d’un ‘printemps démocratique (…) la jeunesse nicaraguayenne a entamé sa propre version du printemps arabe (…) Ortega a perdu son emprise sur les masses » Que se passe-t-il ? Lisez plus en basDes troubles importantesUne proposition gouvernemental visant à endiguer les pertes (depuis 2013) de la sécurité sociale était à la base de protestations qui ont vite dégénéré en actes de violence grave.
Les contributions des travailleurs et des employeurs devraient être augmentées tandis que les soins de santé et les pensions devraient subir des économies de 5%. En outre, les plus hauts salaires pourraient plus profiter d’un plafond des contributions et devraient donc payer beaucoup plus, ce qui devrait renforcer la solidarité du système. Le Nicaragua est un des rares pays de la région qui dispose d’une sécurité sociale digne de ce nom.
Après deux jours de combats de rue entre des groupes aux armes artisanales et la police, où, dans plusieurs villes et de façon simultanée, des immeubles gouvernementaux et des maisons de parti des sandinistes furent incendiés, des magasins et dépôts d’alimentation furent pillés, quelque vingt personnes trouvèrent la mort – non seulement du côté des ‘opposants’ mais également des passants, des contre-manifestants sandinistes et un journaliste de la chaîne gouvernemental Canal 6 – le président Ortega a retiré la proposition.
Mais cela n’arrêtait pas la violence de la rue, qui, au contraire, continue toujours. L’opposition de droite réclame maintenant ouvertement la destitution du président et veut empêcher que les sandinistes continuent à gouverner en maintenant l’insécurité dans les rues, le chaos économique et les troubles sociales. Jusqu’il y a peu, elle refusait tout simplement toute concertation avec les autorités.
Une protestation de gauche ?
Il n’y a aucun doute que, certainement au début des protestations, beaucoup de simples nicaraguiens sont descendus dans les rues pour exprimer leur mécontentement de l’orientation choisie par le gouvernement et par manque de bonnes informations sur les réformes. Beaucoup de sympathisants ont été déçus de la politique sandiniste qui, selon eux, répond trop lentement et trop peu aux besoins de la population. Il semble qu’il s’agit d’une protestation inspirée par la gauche contre un gouvernement se qualifiant de gauche qui fait trop de compromis avec les investisseurs nationaux (des accords avec, entre autres, la COSEP la FEB locale) et internationaux dont l’économie nicaraguienne dépend beaucoup trop.
Est-ce vraiment la motiviation des étudiants qui dirigent la protestation ? Il est alors bizar que le premier samedi après l’éclatement de graves troubles, les étudiants de la Universidad Politécnici réservent un accueil chaleureux à un certain Piero Coen. C’est l’homme le plus riche du Nicaragua et le 7e plus riche de la région, selon Forbes. «
COSP ne me représente pas, je suis avec vous, les gars », disait-il.
Privatiser la sécurité sociale avec toutes ces nouvelles policliniques et hôpitaux, renverser la réforme agraire dont profitent de nombreux petits paysans… voilà les objectifs de cet homme et de son entourage. Ce n’est pas exactement une critique de gauche sur les sandinistes.
Les destructions simultanées partout dans le pays et l’usage d’armes à feu ne sont certainement pas à mettre sur le compte de Nicaraguayens descendus dans la rue. L’infiltration organisée par des groupes armés et bien préparés est évidente.
Simultanément, une campagne fut orchestrée sur les médias sociaux, faisant croire que la police ‘avait provoqué plus de 100 morts’ ces premiers jours, alors que terrible nombre de morts s’élevait, à ce moment, probablement autour de 25 victimes, y compris les contre-manifestants, passants et un journaliste. Dans les semaines qui suivaient, il y a eu encore plus de victimes, et le nombre de morts se serait élevé à 70.
Le déclin du sandinisme ?
Si les sandinistes ne savent certainement pas mobiliser tous les secteurs, il y a eu plusieurs manifestations de soutien, notamment le 30 avril au Managua, et il y a eu, un peu partout, des manifestations pour condamner la violence. L’appui populaire n’est sans doute plus ce qu’il était, et la politique d’Ortega peut en effet faire l’objet d’un débat. Les élections présidentielles d’il y a même pas deux années sont entâchées de doutes, et on peut, au moins, qualifier le dialogue avec la base de faible, mais les amis et ennemis reconnaissent qu’Ortega a été réélu avec une large majorité des voix, avec une participation d’environ 60%, un chiffre qui n’est pas obtenu dans beaucoup de démocraties occidentales.
Les Nicaraguayens bénéficient de l’éducation et des soins de santé gratuits, et même si, au niveau qualitatif, il reste encore un grand chemin à faire si l’on compare avec Cuba, les indicateurs de santé du Nicaragua dépassent de loin ceux du Guatémala, du Honduras et d’El Salvador. En ce qui conerne la sécurité, par exemple, et la participation économiques des femmes, la situation dans ces pays est beaucoup pire qu’au Nicaragua sandiniste.
Du printemps à l’hiver ?
En tant que mouvement de solidarité nous pouvons absolument nous intéresser pour les développements politiques internes du Nicaragua et du sandinisme, mais il appartient au peuple nicaraguayen de juger son gouvernement et de rectifier par la voie légale et par une protestation pacifique. Notre position solidaire ne nous attribue pas le droit d’attribuer ou de retirer des étoiles aux sandinistes après une sorte d’examen de leur ‘qualité de gauche’.
Il est de notre devoir solidaire d’apuyer le peuple nicaraguayen dans sa lutte contre les tentatives violentes visant à renverser son gouvernement légitime, tentatives qui ont le soutien public des Etats-Unis et qui – en cas de succès – n’auront certainement pas comme résultat que la politique sera plus à gauche, voire améliorer le sort du peuple, mais bien la restauration de l’exploitation implacable qui existait avant la révolution sandiniste.
On peut dire que les sandinistes ont commis l’erreur de ne pas avoir su museler les agences du gouvernement étasunien qui sont actives dans leur pays. Ainsi, USAIS, un soi-disant ONG notoire qui défend les intérêts des Etats-Unis dans toute la région, a, seulement en 2016, 31 millions de dollar pour ‘renforcer la capacité de résistance de la société civile ». En 2017, le National Endowment for Democracy (NED), qui date de l’ère de la guerre froide, a donné 72.440 dollars à la Commission permanente des Droits de l’Homme au Nicaragua (CPDHN). La CPDHN est en même temps la source principale de la presse occidentale pour sa couverture partisane des protestations et de la réaction gouvernementale. Il n’est pas par hasard que l’ambassadrice étasunienne, F. Dogu parlait, en avril, tout de suite en termes de ‘violence d’Etat du gouvernement nicaraguayen’ et qu’elle faisait l’éloge du ‘printemps nicaraguayen’.
Les pêchés que les Etats-Unis imputent à Ortega sont très différentes de celles critiquées par les Nicaraguayens mécontents et la gauche à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Ce qui tracasse le Pentagon est le fait qu’Ortega ne se soumet pas à eux mais qu’il s’adresse plutôt aux pays de l’ALBA (Cuba, le Vénézuéla, l’Equateur) pour obtenir de l’aide économique, à la Russie pour s’attaquer au trafic de drogue et à la Chine pour la construction du canal interocéanique, un futur concurrent du Canal de Panama, contrôlé par les Etats-Unis. L’establishment étasunien n’a jamais pardonné le peuple nicaraguayen d’avoir renversé, en 1979, la dictature de Somoza appuyée par les Etats-Unis, ni la défaite militaire des contras et puis la réélection en 2007 des sandinistes.
Voilà pourquoi ils veulent imposer un blocus au Nicaragua, comme ils font contre Cuba et le Vénézuéla. L’année passé, la Chambre des Représentants des Etats-Unis a adopté, à l’unanimité, le Nicaragua Investment Conditionality Act, qui vise à priver le pays de prêts offerts par des institutions financières internationales. Le Sénat n’a pas encore avalé le NICA-Act, qui est resté lettre morte jusque là. Les manifestations du ‘printemps nicaraguayen’ seront sans nul doute utilisées pour réanimer le NICA-Act au sein du Sénat étasunien afin d’essayer de repousser le pays dans un hiver éternel.
Ce que cherchent les Etats-Unis est un ‘regime change’ permettant leurs entreprises d’exploiter, comme partout ailleurs dans la région et dans le monde, sans limites l’homme et la nature, et sans être gênées par des investisseurs d’autres continents et absolument pas par un peuple organisé.
Tout comme le Vénézuéla, le Nicaragua a besoin de notre solidarité dans la lutte contre cette énième tentative de ‘coup d’Etat doux’ dirigé par le Pentagon.
Non à l’intervention des Etats-UnisNon à la violence de la rueOui au dialogue nationalHasta La Victoria Siempre Sources :CelagResumenResumen