Après cinq jours de réunions et de débats, l’ancien mouvement de guérilla FARC en Colombie s’est transformé en parti politique. Le sigle est maintenu, mais les lettres A et C se sont vues attribuer une autre signification. Il y a quelques semaines, les derniers rebelles ont rendu leurs armes. Fin de l’année passée, les rebelles avaient créé le mouvement : Voces de Paz (Voix de la Paix), qui devait être l’embryon d’un nouveau parti politique. L’année prochaine, la FARC participera pour la première fois aux élections parlementaires.
Le dernier jour du congrès fut ouvert par Ernesto Samper, ancien président de la Colombie. Dans son discours, il a plaidé en faveur d’un ‘socialisme de la bonne vie’, faisant référence à la Bolivie et à l’Equateur, avec une attention particulière pour une relation durable avec la terre, un accent sur la réforme agraire, l’agriculture locale et les relations sud-sud. La ligne idéologique du nouveau parti fut l’objet de débat, et le document final qui se réfère aux idées des fondateurs de la FARC, à savoir, Manuel Marulanda et Jacobo Arenas, vise à vaincre les relations sociales dominantes sous le capitalisme.
En gardant le sigle existant pour le parti, le congrès vise à préserver la cohésion interne au sein de l’organisation, mais cela pourrait s’avérer moins avantageux par rapport à la population urbaine qui, pendant des années, a été soumise à une propagande très négative vis-à-vis des guérilleros. Selon d’autres membres, la rose dans le nouveau logo suggère une trop forte orientation sociale-démocrate.
Le congrès a également élu la direction du nouveau parti. En cours du congrès, 50 nouveaux candidats se sont ajoutés, mais tous les 111 administrateurs proposés par l’Etat-Major de l’ancienne armée populaire ont été élus, dont des cadres politiques ayant mené ou dirigé les négociations tels que Iván Márquez, Timoleón Jiménez, Pablo Catatumbo, Joaquín Gómez, Pastor Alape et Ricardo Téllez.
Le vote en soi était un événement historique et, pour beaucoup, un moment émotionnel, car pour la première fois, ces militants, loyaux pendant des dizaines d’années, ont pu voter. A partir de maintenant, ils devront le faire plus souvent pour leur parti qui – suite aux accords – n’est assuré que de 5 sénateurs et autant de parlementaires dans la législature 2018-2022.
Après la clôture du congrès, Timochenko, qui s’appelle désormais de nouveau Timoleón Jiménez, a prononçé un discours sur la Plaza Bolivar de Bogotá – et ce n’était pas un hasard – dans lequel il a énuméré les grands défis de la FARC dans la lutte politique et électorale. Un des plus importants défis que devra affronter le parti sera de consolider le parti dans les villes où des centaines d’organisations sociales et politiques sont actives dans de nombreux domaines : les droits de l’homme, le genre et l’orientation sexuelles, l’économie alternative et les conflits liés à la terre.
Selon une enquête réalisée par Gallup au cours du congrès, le parti aurait un pourcentage de partisans de 12 %, soit 2 % de plus que les partis traditionnels. Le politique étant fortement discrédité, cela ouvre des perspectives pour la FARC, mais aussi des risques d’embourgeoisement politique et de récupération institutionnelle que le nouveau parti devra combattre dans un avenir proche. Puis il y a le danger que le gouvernement n’exécute pas complètement l’Accord de la Havane ainsi que le passage difficile à la vie civile de milliers de soldats-rebelles dont la jeunesse a été détruite par la guerre.
Comme disait l’ex-guérillero Isabela : «
Construire la paix est souvent plus difficile que mener la guerre ». Après le discours de Timochenko, un grand concert fût organisé pour fêter la naissance de la Force alternative révolutionnaire commune et la paix ». (voir photos)CubadebateTrad. : E. Carpentier