Le monde entier raconte des histoires sur le ‘pussygrabber’ de la Maison Blanche. A Cuba, par contre, on se fait du souci au sujet des relations futures entre les deux pays.
Ce vendredi 16 juin, le président Trump se rend à Miami, où il dévoilera sa politique envers Cuba. Lors de sa campagne électorale, Trump avait promis à la communauté américano-cubaine d’être plus dur avec le gouvernement de Raoul Castro que son prédécesseur.
On n’en sait pas trop, peu d’infos ayant été divulguées. De toute façon, sa politique est imprévisible, et on ne peut pas se baser sur des positions défendues dans le passé. Il s’avère donc difficile de prévoir la politique de Trump, et tout doit dès lors être envisagé avec beaucoup de réserve.
Voici un petit aperçu et examen de quelques positions exprimées ou de signaux en la matière.
La ligne dureAu début du mois de juin, un collaborateur de haut niveau de Trump a dit que l’amélioration des droits de l’homme à Cuba est considérée être ‘une haute priorité’ de la nouvelle orientation.
Le 20 mai, date considérée par beaucoup d’Américains-cubains comme étant le Jour de l’indépendance de l’île, Trump a dit : « Les Cubains méritent un gouvernement qui défend de façon pacifique des valeurs démocratiques, des libertés économiques, des libertés religieuses et des droits de l’homme, et mon gouvernement s’est engagé à atteindre ce but. »
Il y a quelques jours, Rex Tillerson, son ministre des Affaires étrangères, a dit que « la politique d’engagement » d’Obama à l’égard de l’île avait donné des avantages financières au gouvernement cubain, ce qui, selon lui, est contraire à la loi. Et d’ajouter : « Nous pensons que nous avons peu obtenu en termes de changement d’attitude de la part du régime à Cuba… et ce régime est peu enclin au changement ». Ensuite il a insisté sur le fait que La Havane devrait relever les défis au niveau des droits de l’homme si elle veut que Washington continue à normaliser les relations.
Opinions différentesEn même temps, plusieurs voix s’élèvent aussi pour maintenir voire améliorer les relations ‘normalisées’.
En avril, seize militaires pensionnés ont demandé au gouvernement de Trump de continuer le processus de normalisation avec Cuba, dans l’intérêt de la sécurité nationale des Etats-Unis et de la stabilité dans la région.
Au mois de mai, 55 sénateurs ont dit qu’ils avaient appuyé un projet de loi visant à supprimer complètement l’interdiction aux citoyens étasuniens de voyager à Cuba.
Récemment, deux fractions de la Chambre des Députés et du Sénat ont envoyé une lettre au gouvernement, dans laquelle ils ont insisté sur la nécessité de poursuivre et de renforcer les relations améliorées qui avaient été entamées le 17 décembre 2014. Les deux groupes ont mis en garde sur le fait qu’un retour à une ‘politique d’hostilité’ est une erreur. Cette politique a été menée pendant plus d’un demi siècle et a échoué.
Selon un rapport récent, ramener les relations avec Cuba au niveau antérieur coûterait à peu près 7 milliards de dollars et 12 000 emplois à l’économie étasunienne.
CubaOne, une organisation d’Américains-cubains, a récemment publié une lettre ouverte au président dans laquelle elle souligne que la majorité de leur communauté soutient l’approchement réalisé par Obama.
Amnesty International aussi lève sa voix. Selon AI, le rapprochement entre les deux pays ne peut pas être abandonné, bien au contraire. Plus de voyages, plus de possibilités de communiquer et plus de dialogue sont précisément la voie à suivre pour améliorer les droits de l’homme à Cuba. Selon cette organisation, le gouvernement de Trump doit viser à lever le blocus.
Human Rights Watch partage cet avis. Conditionner l’obtention de meilleurs relations bilatérales au progrès en matière de droits de l’homme ne fonctionnera pas. Pour HRW, lever le blocus est également une priorité.65 % des Etasuniens soutiennent la politique d’Obama envers Cuba. Au sein même des Républicains, le soutien est de 60 %. Seuls 18 % s’opposent au rapprochement entre les deux pays.
ConsidérationIl y a de très fortes probalités que Trump serre la vis. La question est de savoir jusqu’où il ira. D’une part, le rapprochement d’Obama est populaire auprès du grand public, du monde des affaires et auprès de beaucoup d’élus aussi bien du Parti Démocrate que du Parti Républicain. Des voix venant de ‘l’Etat profond’, notamment de l’appareil militaire, appellent à faire preuve de vigilance, voire même à renforcer l’approchement avec Cuba. D’autre part, le cabinet de l’actuel président compte beaucoup de faucons, et la promesse électorale si chère à Trump subsiste toujours.
Dès lors, la Maison Blanche est divisée en ce qui concerne Cuba. Certains conseillers disent qu’il n’est pas sage, pour un président qui a promis de revitaliser le monde des affaires et de créer des emplois, de fermer l’accès au marché cubain. D’autres conseillers diront qu’il est important d’honorer la promesse faite aux Américano-cubains. Leur soutien a été important pour gagner les élections en Floride, un Etat oscillant majeur.
A quoi pouvons-nous nous attendre : beaucoup de bruit pour rien ? Une rhétorique forte, mais plutôt des mesures symboliques ? Selon certaines sources, la plus importante mesure serait de compliquer de nouveau les voyages de citoyens étasuniens vers Cuba. Ils ne seraient plus autorisés non plus à ramener du rhum et des cigares très demandés. Cela affaiblirait certes le tourisme en vogue des Etats-Unis vers Cuba, mais sans l’arrêter pour autant. Tout compte fait, ce scénario n’aurait pas trop d’impact sur Cuba. Cependant, on ne sait jamais avec le président Donald. Il faudra donc, comme d’habitude, attendre son discours et ses tweets.
Trad. & rév. : E. Carpentier & Y. Hommani