Reprise de l’économie cubaine grâce à l’affluence massive de touristes étasuniens

Cuba connaît un véritable essor touristique, grâce aux nouveaux visiteurs des Etat-Unis. Une opportunité unique pour faire rebondir l’économie cubaine, estiment les experts du secteur touristique.

Restaurante 1800, Plaza San Juan, au centre historique de Camagüey, figure parmi les nombreuses initiatives privées qui redémarrent en raison de l’affluence renouvelée de touristes étasuniens (Jorge Luis Baños/IPS).

L’invasion touristique, entamée en 2015, est devenue irrésistible. Les touristes découvrent de nouvelles destinations sur l’île, des villes et des villages sont dépassés par la situation. Même la Plaza de San Juan de Dios, place coloniale la mieux préservée de la ville de Camagüey, accueille chaque jour des centaines de visiteurs étrangers.

Située au centre de l’île caraïbe, Camagüey est la troisième ville cubaine. « 94 % de nos clients sont des touristes étrangers, dont la moitié vient des Etats-Unis », dit Edel Izquierdo, qui, en 2012, a ouvert le Restaurante 1800 sur cette place. À cette époque, il avait déjà dix-sept ans d’expérience dans le secteur du tourisme quand il décida de se lancer dans les affaires. Sa famille possédait une propriété sur un des coins de la Plaza.

Selon les experts, le tourisme permettra de faire redémarrer le moteur économique du pays. En 2016, Cuba accueillait 4 millions de touristes. Ceux-ci peuvent générer les dévises nécessaires pour adoucir la crise de liquidité (le manque d’argent comptant) actuelle. Dans le secteur des loisirs, l’initiative privée fleurit comme jamais, bien que des statistiques officielles de sa participation réelle dans l’économie ne soient pas disponibles. « À Camagüey, il y a encore trop peu de restaurants comme le mien », dit Izquierdo. Les autorités ne parviennent pas à gérer cet essor touristique. Le secteur privé s’en occupe, mais cela ne suffit pas toujours.

Des photos de personnes célèbres, étrangères et cubaines, comme celles du troubadour Pablo Milanés et du chanteur italien Zucchero, décorent les murs jaunes du Restaurante 1800. En haute saison, du mois de décembre au mois d’avril, Izquierdo dispose d’une équipe de vingt personnes pour servir 100 à 150 convives par jour. La plupart des clients d’Izquierdo viennent grâce aux contacts qu’il entretient avec les sociétés d’Etat de tourisme. « Nous avons la capacité de servir beaucoup de gens, nous sommes bien situés et notre promotion se fait essentiellement par l’internet. » Son restaurant est répertorié dans les cinq principaux guides touristiques.« Maintenant, on voit des clusters dans le secteur privé, avec, entre autres, des gens qui louent des chambres dans leur maison, des restaurants, des coopératives de la construction, des entreprises de meubles et des entreprises agricoles », dit Richard Newfarmer, économiste étasunien qui, en janvier 2017, avec son collègue Richard Feinberg, a publié une étude sur le potentiel du tourisme cubain.

Dans des lieux comme Trinidad, à 300 km de la capitale, « les hôtels de l’Etat accueillent la vague de touristes qui ne trouvent pas de place dans les locations privées » dit-il. « Il n’y a pas de compétition entre le secteur privé et celui de l’Etat, ils se complètent ». Trinidad bénificie d’un noyeau historique merveilleusement bien conservé, une plage magnifique et les montagnes de Guamuhaya. Dans les onze premiers mois de 2016, le nombre de touristes étrangers y a progressé de 30 % par rapport à la même période en 2015.

La plus grande dynamique vient du secteur privé, disent les autorités locales. L’Etat gère 200 chambres, alors qu’il y en a 2600 dans des maisons privées. Il existe également 92 restaurants. Dans cette petite ville, le secteur touristique privé occupe sept mille personnes. Même constat dans le village montagnard de Viñales, dans l’extrème ouest, et à Baracoa, dans l’est du pays, pour ne citer que ces exemples.« Cuba se trouve à un tournant, dû aux nouveaux marchés touristiques comme les Etats-Unis », dit Newfarmer. En 2016, la majorité des quatre millions de touristes venaient d’Amérique du Nord et d’Europe. Le Canada à lui seul représentait 30 % du total.

Les touristes arrivant des Etats-Unis constituent une nouveauté. Ils étaient 284 937 en 2016, une augmentation de 74 % par rapport à 2015. En 2015, La Havane et Washington rétablissaient leurs relations diplomatiques. Cela s’accompagnait d’un assouplissement des conditions de voyage entre les deux pays.

Dans leur étude, Newfarmer et Feinberg recommandent, entre autres, à Cuba d’augmenter la qualité des services touristiques, de diversifier l’offre, de permettre plus d’investissements privés et étrangers, d’améliorer l’internet, de revoir la politique fiscale et d’associer davantage le tourisme à d’autres secteurs. « Les sociétés privées jouent sans nul doute un rôle important et dynamique dans l’industrie touristique » disent-ils. À l’heure actuelle, Cuba compte 65.000 chambres dans des hôtels d’État et 17.000 dans des maisons privées, selon le ministère du Tourisme. Cuba voudrait en totaliser 104.000 d’ici 2030.À Cuba, environ un tiers des recettes touristiques va vers le secteur privé, ont calculé Newfarmer et Feinberg. Cela contredit l’argument du gouvernement étasunien comme quoi le tourisme étasunien ne profite qu’à l’Etat cubain. Par conséquent, les deux chercheurs conseillent au gouvernement, à l’industrie et à la société civile nord-américaine, de lever toutes les restrictions existantes au tourisme étasunien vers les Caraïbes et de lever complètement le blocus économique et financier.

IPSvert.: DWM & Erwin Carpentier

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