Le passé, le présent et le futur révolutionnaires du syndicat à Cuba

Le mouvement syndical cubain n’a jamais été ‘interdit’, au contraire, il a mené la lutte des classes de façon permanente avant, pendant et après la Révolution. Bernard Regan, secrétaire national de la Cuba Solidarity Campaign et secrétaire national de la NEU, le syndicat britannique de l’enseignement.

En janvier 2019, le peuple cubain ne fête pas seulement le 60e anniversaire de la révolution cubaine, mais également le 80e anniversaire de la CTC (Central de Trabajadores de Cuba, la Centrale des Travailleurs cubains, l’équivalent de la TUC (ndlr : l’équivalent belge pour la FGTB et la CSC réunies, à Cuba, la terminologie est inversée par rapport à la nôtre: central = syndicat / sindicato = centrale .

Le mouvement cubain a une longue et fière histoire qui remonte au 19e siècle. Le premier syndicat, l’Association des Travailleurs du Tabac à La Havane, fut créé en 1899, lorsque l’île était contrôlée par l’impérialisme espagnol. Au 20e siècle, les syndicats jouèrent un rôle vital, non seulement dans la défense des droits des ouvriers, mais aussi dans la lutte contre les dictatures et la répression.

Une des actions les plus célèbres de la classe ouvrière cubaine fut la grève générale de 1933 contre la dictature de Gerardo Machado, que le dirigeant étudiant communiste Juan Antonio Mella caractérisa comme « le Mussolini tropical ». Machado, avec l’appui des Etats-Unis, resta en fonction en modifiant les lois de façon à lui permettre de prolonger son mandat.

Les chauffeurs de bus, les ouvriers du transport, les professeurs, les travailleurs du tabac et des plantations de sucre furent tous impliqués dans l’action. La grève fut réprimée par l’armée, mais elle s’étendait : le personnel de magasins et de garages, des journalistes, des ouvriers portuaires, des cheminots et beaucoup d’autres se rallièrent à la grève générale du 5 août. La police ouvrit le feu sur les manifestants et tua 20 ouvriers.

Des arrestation massives eurent lieu dans une tentative de briser l’action, mais encore plus d’ouvriers, dont des travailleurs d’hôtels et de restaurants, des médecins, des boulangers et des fabricants de cigares,rejoignirent le mouvement.

Après la grève et les protestations de tous côtés, le 12 août 1933, le dictateur Machado fuit Cuba, se réfugiant d’abord aux Bahamas et ensuite à Miami. Malgré cette victoire, la répression continua sous la direction du dirigeant militaire Fulgencio Batista qui, en mars 1935, imposa la loi martiale.

Plusieurs actions suivirent, dont les grèves dans l’industrie sucrière au milieu des années 1950, à La Havane, Camaguey, Matanzas et les provinces de l’Oriente. Batista utilisa la police et l’armée pour casser les actions, alors que les ouvriers décuplèrent leur combativité grâce à l’appui des femmes et des étudiants. Les ouvriers des ports et du tabac furent à nouveau impliqués. Les cheminots de Guantánamo jouèrent un rôle important dans le développement d’actions appelé « movimiento obrero beligerante » (activisme syndical militant) : des actions syndicales traditionnelles mais également des actes de sabotage.

Au cours des années, le mouvement syndical s’étendit. En 1958, à la veille de la révolution, la CTC comptait un million d’affiliés, représentant un travailleur sur cinq . Dans plusieurs secteurs, notamment à Santiago, dans les ports, les chemins de fer et les usines, dont les usines de rhum Bacardi, les ouvriers réussèrent à s’organiser.

La classe ouvrière cubaine et ses organisations syndicales ont une longue histoire d’action politique indépendante et furent étroitement impliquées dans la lutte contre Batista, qui culminera avec la révolution de 1959. Fidel Castro collabora avec des militants politiques comme Frank Pais en préparant le débarquement de la Granma depuis le Mexique. Certaines circonstances, tel l’assassinat de Frank Pais par le régime, empêchèrent l’exécution du plan de combiner le débarquement avec des actions de grève massives, mais cela n’affaiblit pas la coopération.

Des liens solides furent forgés entre les guérilleros de la Sierra (les montagnes) et la classe ouvrière des Llanos (les plaines), qui allaient continuer à exister après la révolution. Lors de la batalle de Santa Clara, un moment important dans la révolution, des ouvriers collaborèrent avec la colonne de Che Guevara lors de l’embuscade contre les réserves de Batista, ce qui leur permit de gagner le soutien de la ville pour la révolution.

La CTC, créée 20 ans avant la révolution, constitue aujourd’hui une organisation de masse vivante et indépendante, comptant environ quatre millions d’affiliés, ce qui représente 98 % de la population active.

L’affiliation est libre et exclusivement soutenue par les contributions d’environ 1 % du salaire. Au sein de la CTC, il y a 19 syndicats sectoriaux (des centrales, comme on dit en Belgique), organisés de façon verticale autour des transports, de l’enseignement, de la santé, du tourisme… Le syndicat de l’enseignement regroupe, par exemple, des professeurs, mais également le personnel scolaire, les cuisiniers, les nettoyeurs, les spécialistes de sport, les chauffeurs et tous ceux qui sont actifs au sein de l’enseignement. Il est le plus grand syndicat à Cuba, avec près de 500.000 membres.

Au niveau de l’entreprise, le syndicat représente les travailleurs dans les négociations avec le management sur les CCT, le réglement du travail et sur tout ce qui intéresse les salariés. Tous les deux ans et demi, des délégués sont élus par vote secret sur chaque lieu de travail. Dans les lieux de travail, presque tous les jours des réunions ont lieu entre les délégués syndicaux et le management pour discuter des affaires réclamant une attentation. Tous les mois, des grandes réunions de personnel sont organisées où sont discutés les plans de l’entreprise. C’est là aussi que sont approuvées les conventions collectives du travail.

Un panel composé de représentants de l’employeur et des travailleurs et présidé par un délégué syndical élu écoute les plaintes. En 2006, la CTC a obtenu le droit d’avoir voix au chapitre dans la gestion des lieux de travail. Le syndicat de l’enseignement a déclaré à une délégation récente de professeurs venus de Grande Bretagne qu’il ne serait pas possible ou opportun pour le gouvernement cubain de mettre en place des modifications de la politique sans le consentement du syndicat. Des modifications de ce genre ne peuvent être mises en place qu’après une concertation et un consentement.

Quelle différence entre cette approche et la politique antisyndicale visant la discorde de notre gouvernement actuel (ndlr : britannique et belge).

Un des défis des syndicats cubains de ces dernières années est l’organisation des travailleurs dans le secteur privé de l’économie. Presque 500.000 travailleurs sont maintenant des indépendants ou occupés dans le sector non-étatique. La CTC a insisté pour que tous les travailleurs du secteur public et du secteur privé aient les mêmes droits, de même que dans les entreprises gérées avec la complicité d’entreprises étrangères.

Les syndicats ne sont pas uniquement consultés par rapport aux lieux de travail. Leurs représentants sont directement présents dans les conseils communaux et provinciaux ainsi qu’au parlement. Tous les affiliés (ndlr : en novembre 2018) ont été invités à participer aux consultations sur la nouvelle constitution. Le nouveau projet de constitution a été discuté dans près de 130 000 réunions dans toute l’île, dans les lieux de travail, les écoles, les centres communautaires, et même par les Cubains résidant à l’étranger.

La propagande contre Cuba dépeint la CTC comme étant un ‘monopole national’. Or, ni la Constitution ni le code du travail ne stipulent nulle part que la CTC ait le monopole ou que les travailleurs soient obligés de s’affilier.

Cuba a ratifié 89 conventions de l’Organisation Internationale du Travail, contre seulement 14 par les Etats-Unis. Où y a-t-il donc plus de liberté syndicale ? La vérité, c’est que le blocus économique étasunien constitue le fardeau principal des travailleurs cubains.

En Grande Bretagne, 23 syndicats nationaux sont affiliés à la Cuba Solidarity Campaign, et la plupart parmi eux ont des relations directes avec les syndicats frères de Cuba. Ces dernières années, il y a eu un va et vient de délégations, notamment de Unite, Unison, la NEU, RMT, GMB, Aslef, TSSA, CWU, FBU et de la TUC elle-même. Cette année, le 80e anniversaire de la CTC sera mis en évidence, comme élément des activités à l’occasion du 60e anniversaire de la Révolution cubaine.

Au mois de mars, deux jeunes syndicalistes cubains réaliseront une tournée en Grande Bretagne. On espère qu’en septembre la CTC sera invitée au congrès de la TUC, et en novembre aura lieu une grande conférence syndicale de la solidarité avec Cuba, avec une vingtaine de syndicalistes cubains invités par leurs homologues britanniques.

L’année 2019 est non seulement une année particulière pour les syndicalistes cubains mais c’est également une année importante pour nous, pour développer davantage nos liens et notre solidarité.

Morning Star – Traduit par E. CarpentierNDLR : La CTC sera aussi l’invitée à ChePresente@Manifiesta 2019, les 21 et 22 septembre. Surveillez notre site web ! En savoir plus du syndicat cubain ? Commandez ici notre brochure https://cubanismo.be/fr/shop/cuba-syndicalement-votre

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