Etant donné que les récentes tentatives de Washington de mettre le gouvernement Maduro à genoux ont échoué, le président Trump augmente maintenant la pression. Le lundi 5 août au soir, il a publié un décret présidentiel soumettant le Venezuela à un embargo total. Cet embargo va bien au-delà des sanctions économiques et financières dont souffre déjà le pays. Les nouvelles sanctions sont considérées comme l’une des plus sévères que Washington puisse imposer à un pays. Quel impact cela aura-t-il sur le peuple vénézuélien et quel est le but de l’administration Trump ?
En quoi cet embargo diffère-t-il des sanctions précédentes ? Les sanctions antérieures étaient axées sur le secteur pétrolier vital et le gel des comptes bancaires étrangers. Ces sanctions ont déjà eu un impact majeur. Toutefois, le nouveau décret stipule que toutes les institutions gouvernementales vénézuéliennes actives aux États-Unis pourraient être menacées de confiscation à l’avenir. Même les citoyens américains sont menacés d’expropriation si l’on considère qu’ils aient acheté leur propriété au gouvernement vénézuélien. Toute entreprise faisant du commerce avec le gouvernement vénézuélien pourrait également faire l’objet de poursuites, bien qu’il existe des exceptions pour les transactions concernant les aliments, le matériel agricole, les médicaments, le matériel hospitalier et les vêtements. Les navires vénézuéliens pourraient être immobilisés lorsqu’ils entrent aux États-Unis. Le secteur privé qui n’est pas associé au gouvernement est explicitement exclu du décret et peut donc encore commercer. Une grande partie de l’opposition vénézuélienne est active dans ce secteur privé. Cependant, ses activités peuvent être touchées, car les banques ne seront pas en mesure de savoir qui soutient ou non Maduro. Les sanctions s’étendent explicitement aux entreprises de pays tiers – qui, si elles ont également des capitaux et/ou des filiales américaines – peuvent également être sanctionnées si elles commercent avec le Venezuela. Trump place maintenant le Venezuela sur la même liste que Cuba, la Corée du Nord, la Syrie et l’Iran. De quoi s’agit-il ? Il est clair que l’administration étasunienne veut couper tout oxygène du gouvernement vénézuélien qui s’efforce de préserver le gouvernement et la stabilité du pays. L’objectif : retourner la population contre le gouvernement et l’armée contre le président Nicolas Maduro. Après plusieurs tentatives, y compris le soutien au président intérimaire autoproclamé Juan Guiado, elle ne semble toujours pas en mesure de le faire. Ces nouvelles sanctions étasuniennes visent à saboter les pourparlers en cours entre les représentants du gouvernement et de l’opposition. Elles se déroulent à la Barbade depuis le début du mois de juillet, sous la médiation de la Norvège. Les deux parties sont déterminées à trouver une solution » constitutionnelle » à la crise vénézuélienne. Avec l’annonce des sanctions nord-américaines supplémentaires, Trump met une bombe dans le cadre de ces négociations. La réaction ne s’est donc pas fait attendre : Le président vénézuélien, Nicolas Maduro a, en signe de protestation, annulé le voyage de sa délégation, qui aurait dû prendre part au dialogue avec l’opposition à la Barbade plus tard cette semaine. Les nouvelles sanctions visent aussi en particulier des pays tiers, notamment la Chine et la Russie, mais aussi l’Iran, l’Inde et la Turquie. Lors d’une récente conférence internationale » pour la démocratie au Venezuela » à Lima, le conseiller en matière de sécurité John Bolton a explicitement mentionné la Russie et la Chine. Pour lui, le soutien des deux pays au Venezuela est « intolérable ». Par conséquent, le décret peut également être considéré comme un avertissement pour la Russie et la Chine. La Russie a immédiatement réagi de manière militante en qualifiant les nouvelles sanctions de « terrorisme économique ». La Chine, elle aussi, rejette l’ » ingérence flagrante » des États-Unis au Venezuela. Quel impact ces sanctions auront-elles sur le peuple vénézuélien ? Même si la nourriture, le matériel médical, etc. sont exclus des sanctions, le gouvernement vénézuélien craint à juste titre que l’embargo ait un impact majeur sur la population. Par exemple, il touchera les fournisseurs d’électricité et donc directement les centres de santé, les écoles et les universités… bref, la population. Des sanctions seront également appliquées aux » remesas « , c’est-à-dire à l’argent envoyé par les migrants au Venezuela. Les citoyens vénézuéliens peuvent, en théorie, continuer à commercer avec des entreprises des Etats-Unis, mais beaucoup d’entre eux préféreront de s’abstenir de le faire en raison du risque d’être punis. Le commerce avec les entreprises étasuniennes est également le privilège de la classe riche vénézuélienne, et non des habitants des quartiers ouvriers de Caracas. Conclusion Le peuple vénézuélien se voit mettre un couteau encore plus tranchant. Une étude approfondie réalisée récemment par les économistes Marc Weisbrot et Jeffrey Sachs a montré noir sur blanc que l’année dernière, 40 000 Vénézuéliens sont morts à cause des sanctions étasuniennes. Néanmoins, la « communauté internationale » donne un sauf-conduit aux États-Unis permettant à augmenter la pression. Imposer des sanctions, c’ est un acte de guerre, visant à faire des victimes. L’impact sur la population est documenté sans équivoque, mais cela n’inquiète pas les dirigeants européens. Par contre, ceux-ci étaient présents en masse à la conférence de Lima mardi dernier pour exprimer leur soutien permanent au dirigeant de l’opposition Guaido et de « continuer ainsi à protéger la démocratie au Venezuela ».