Pourquoi le “départ” de Morales est en fait un coup d’état

Une certaine confusion règne dans nos médias au sujet de ce qui s’est passé en Bolivie le dimanche 10 novembre. Après une quatrième victoire électorale du président Evo Morales, des protestations violentes et bien organisées contre sa réélection ont eu lieu.

Dès la communication des résultats, des bureaux des autorités électorales ont été incendiés par le groupe de jeunes Juventud Christiana. Ils sont également allés sciemment à la recherche de membres des familles des personnes affiliées au MAS pour les intimider, allant jusqu’à enlever les enfants d’un des gouverneurs de province. Des femmes indiennes ont été tabassées et déshabillées en public pour les humilier. Cette violence a des relents clairement racistes et mysogynes.

Evo a opté pour une démarche de réconciliation et n’a pas réagi aux provocations des fascistes. Ils ont commencé par exiger un recomptage, ont accusé Evo de fraude pour ensuite appeler à de nouvelles élections et finalement exiger qu’Evo ne soit pas candidat. Cela rappele la façon dont la droite brésilienne a tout fait pour empêcher Lula Da Silva de particiiper aux élections. Luis Fernando Camacho : Le prétendu activiste citoyen aux nuances brun foncé.

Camacho a été actif au sein du mouvement d’indépendance pour Santa Cruz. Une région où le 1% des plus riches se sentent chez eux. Lui-même dirige la Juventud Christiana. Cette organisation n’a rien contre la violence à l’égard des populations indigènes. Ainsi, après le coût d’état, des dirigeants syndicaux ont été attachés à des arbres. Ce n’est pas un hasard si les radios communautaires locales qui parlent de cette terreur fasciste visent tout particulièrement les syndicalistes et les Indiens. La radio progressiste Telesur a été retirée des ondes et des journalistes ont fait l’objet de menaces ou de détention. Jeanine Añez “présidente ad interim”. Ce n’est pas Carlos Mesa –qui avait obtenu 36% des voix – mais cette illustre blonde inconnue – dont le parti n’a rassemblé que 4% des voix – qui s’est présentée alors que le parti MAS, qui représente la majorité parlementaire, était absent. Juste avant de se présenter, elle a nettoyé son compte twitter. Les messages clairement racistes visant les communautés indigènes ont été vite effacés. Ainsi, elle considère les traditions indigènes religieuses comme une activité satanique. Selon elle, tous les Indiens doivent être chassés des villes pour retourner sur les hauts plateaux, là où ils doivent vivre.

Sa prestation de serment – comme pour tous les présidents blancs avant Morales – a à nouveau pris place dans le vieux palais néocolonial et elle a prêté serment sur la bible. Le coup d’état ressemble de plus en plus à une restauration du régime colonial. Pacha Mama et tout ce que cela implique en termes de respect de la terre et de ceux qui y vivent, tout cela a été jeté pour réinstaller l’église catholique réactionnaire. L’héritage de Morales. Morales peut montrer des chiffres économiques stables – sans l’aide du FMI ou de la banque mondiale, la Bolivie a les meilleurs indicateurs de croissance de la région. Evo a réussi à diminuer fortement la pauvreté en Bolivie par un repartage des richesses. Le coéfficient Giri qui mesure l’écart entre les pauvres et les riches a diminué de 19%. Il a transformé le pays en un état plurinational avec des droits égaux pour tous et une reconnaissance de la langue des populations indigènes, nombreuses dans ce pays andin. Pour la première fois en plus de 500 ans les indigènes ont eu le sentiment d’être représentés au sein de leur gouvernement.

Les élites économiques dans l’est du pays ont vite compris la menace sur leurs intérêts. Avant Morales, le pays était une colonie de matières premières où les multinationales se servaient comme elles voulaient, à des prix très bas. Morales a nationalisé les réserves de gaz et a imposé les multinationales pour la mainmise sur des minéraux comme le lithium, une matière cruciale pour les batteries automobiles. Le fait qu’après le coup d’état, les parts de Tesla ont immédiatement grimpé est éloquent.

Mais la communauté indigène ne se laisse pas écraser pa la bourgeoisie, malgré la terreur. Après le coup d’état, les gens se sont immédiatement organisés. Le plus important foyer de résistance vient d’El Alto, une ville sur les hauts plateaux dont la population est majoritairement indienne, par contraste avec la capitale La Paz toute proche, où la population bourgeoise a son ancrage. De grands groupes de manifestants se sont rassemblés pour marcher sur la capitale. Ils ont dû y affronter d’énormes forces de police. La présidente ad interim n’a rien trouvé de mieux à tweeter que le fait que les Indiens doivent retourner chez eux, sur les hauts plateaux. C’est arrogant et humiliant pour un grand nombre de Boliviens aux racines indiennes.

Il est faux de prétendre que la population soutient à l’unanimité le départ d’Evo Morales. Il a rassemblé presque la moitié des voix. Son parti MAS est majoritaire au parlement. Nombreux sont les Bolivariens qui ne soutiennent pas la terreur de droite. Mais les auteurs d’extrême droite du coup d’état font tout pour polariser davantage la population.

Pour Maurice Lemoine, spécialiste en France de l’Amérique latine, ce coup d’état est une action d’extrême droite, néocoloniale. Un régime qui a réalisé des acquis sous Morales va prendre la direction contraire en menant une politique libérale d’extrême droite. Si la population ne parvient pas à contrer ce coup d’état, cela signifiera pour les Bolivariens un retour à l’époque d’avant Morales, lorsque les ressources premières pouvaient être transportées hors du pays et où même l’eau potable était privatisée. Entretemps, il est clair que le calme ne va pas revenir rapidement dans le pays andin. La Bolivie sera-t-elle aux mains des multinationales qui peuvent se comporter sans restrictions et qui servent les intérêts de l’élite financière du pays ? Ou sera-ce un pays avec sa propre riche culture, où chacun compte et où les richesses sont partagées de façon équitable ? D’un côté, on a une élite blanche bourgeoise soutenue par les USA (qui reçoivent le soutien d’une partie de la classe moyenne), de l’autre côté, la majorité des paysans et travailleurs boliviens, la plupart d’origine indigène, qui luttent pour le droit d’exister. Le week-end dernier, une sorte de pacte a été conclu entre la junte de droite et le MAS pour organiser des élections en février, sans Morales mais avec la participation du MAS. La violence semble s’être apaisée momentanément, il faudra voir si la terreur d'(extrême) droite contre la population va persister.

Angela Davis et Noam Chomsky ont publié ce week-end une lettre ouverte accusant les auteurs du coup d’état de violations des droits humains.

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