Il y a 53 ans, le 9 octobre, le Che était exécuté en Bolivie. Ce n’est pas sans raison qu’à l’occasion de cet anniversaire, nous relançons la campagne pour l’attribution du prix Nobel de la paix aux brigades médicales cubaines dont, cette année, la solidarité a touché jusqu’à l’Italie.
Le fait que le Che, avant d’être un combattant de la libération, était médecin, est moins connu du grand public. Si la petite île de Cuba est un acteur de premier plan de la santé au niveau mondial et le numéro 1 absolu en termes de solidarité internationale, c’est certainement aussi dû à la personnalité de Che Guevara.
C’est pourquoi, à l’occasion du 53ème anniversaire de la fin de sa vie, nous sélectionnons les « faits médicaux » de la biographie du Che écrite par Katrien Demuynck, que vous pourrez lire intégralement en 8 parties sur notre site. En 1948, Ernesto Guevara, alors âgé de 20 ans, passe des examens à la faculté de médecine de l’université de Buenos Aires. En mars, il passe les examens de la première année, en juin ceux de la deuxième année, et en décembre ceux de la troisième année.
Le 1er janvier 1950, Ernesto Guevara entreprend sa première grande randonnée. Il traverse les provinces du nord de l’Argentine sur un vélo sur lequel il a monté une moteur. Il poursuit ses études universitaires et s’intéresse particulièrement à la recherche scientifique sur les allergies, l’asthme, la lèpre et la nutrition.
Tout en poursuivant ses études, il travaille comme infirmier sur les navires marchands et pétroliers de la compagnie maritime nationale argentine. C’est ainsi qu’il voyage du sud de l’Argentine jusqu’au Brésil, au Venezuela et à Trinidad.
En octobre 1951, Ernesto décide d’entreprendre un voyage à travers l’Amérique latine. Avec son ami Alberto Granado, en janvier 52, il prend la route sur une vieille moto Norton 500cc. À leur arrivée à Valdivia, au Chili, un journal local publie une interview intitulée « Deux courageux motocyclistes argentins en transit à Valdivia ». A Temuco, cela devient : « Deux experts argentins de la lèpre traversent l’Amérique latine à moto ».
Le soir de son vingt-quatrième anniversaire, le Che se trouvait à La Colonia de San Pablo au Pérou, traversant la rivière à la nage pour rejoindre des lépreux.
Là, il s’est retrouvé parmi six cents lépreux qui vivaient dans des huttes dans la jungle et se géraient eux-mêmes à leur manière. Le Che pensait qu’il ne suffisait pas d’étudier et de sympathiser avec eux, il voulait être au milieu d’eux pour comprendre comment ils parvenaient à tenir le coup. Être en contact avec des gens pauvres, malades et affamés a transformé le Che. Il a imaginé une nouvelle médecine, avec des médecins qui serviraient le plus grand nombre de personnes avec des soins préventifs et une sensibilisation du public à l’hygiène.14-15-16 juin 1954. Le Che voit comment les avions nord-américains survolent le Guatemala, bombardant non seulement des installations militaires mais aussi des quartiers populaires pauvres. Le 18 juin, le Che vit l’épisode du putsch contre le gouvernement progressiste d’Arbenz, mis en place et exécuté par les États-Unis. Le 20 juin, le Che écrit une lettre à sa mère : «Ces attaques ainsi que les mensonges de la presse internationale ont réveillé les indifférents. Le climat est belliqueux. Je me suis porté volontaire pour les services médicaux d’urgence et je me suis inscrit dans la brigade des jeunes pour suivre une formation militaire et aller là où c’est nécessaire» .
Quelques années plus tard, le Che rejoint le Mouvement du 26 juillet de Fidel Castro en tant que médecin et est l’un des quatre-vingt-et-un hommes à bord du Granma lors de son débarquement à Cuba le 2 décembre 1956.
Don Fitz (The Monthly Review) a récemment écrit un long article intéressant sur l’héritage médical du Che pour Cuba et le monde. En voici quelques extraits :La médecine révolutionnaireAprès la victoire du 1er janvier 1959 qui a renversé le dictateur Batista, le rêve du Che de la gratuité des soins médicaux pour tous est inscrit dans la Constitution cubaine comme un droit humain.
La compréhension des défaillances des systèmes sociaux déconnectés a conduit le gouvernement révolutionnaire à construire des hôpitaux et des cliniques dans les parties mal desservies de l’île, en même temps qu’il s’en est pris aux crises de l’analphabétisme, du racisme, de la pauvreté et du logement. Cuba a rénové ses cliniques en 1964 et en 1974 pour mieux rapprocher les communautés et les patients. En 1984, Cuba a introduit des équipes de médecins et d’infirmières qui vivent au sein des quartiers où ils exercent (consultorios).
Les États-Unis devenant de plus en plus agressifs, les Cubains ont organisé en 1960 des comités de défense de la révolution pour défendre le pays. Ces comités sont préparés à déplacer les personnes âgées, les handicapés, les malades et les malades mentaux sur des terrains situés en hauteur à l’approche d’un ouragan, ce qui permet d’imbriquer les soins de santé nationaux et les hostilités de l’étranger, un lien qui a persisté tout au long de l’histoire de Cuba.
Comme la révolution médicale cubaine était basée sur l’extension des soins médicaux au-delà des grandes villes et dans les communautés rurales qui en avaient le plus besoin, il n’a pas fallu longtemps pour étendre cette assistance à d’autres pays. Le gouvernement révolutionnaire a envoyé des médecins au Chili après un tremblement de terre en 1960 et une brigade médicale en 1963 en Algérie, qui luttait pour son indépendance vis-à-vis de la France. Ces actions ont préparé le terrain pour l’aide médicale internationale du pays, qui s’est développée au cours des décennies et qui comprend maintenant l’aide au traitement de la pandémie COVID-19.
La solidarité mondiale à l’heure du COVID-19L’élément crucial de l’internationalisme médical de Cuba pendant la crise COVID-19 a sans doute été l’utilisation de ses décennies d’expérience comme modèle pour traiter le virus avec un projet humain et efficace. Les responsables de la santé publique du monde entier ont été inspirés par les actions de Cuba.
C’est ce qu’envisageait Che Guevara en 1951. Des décennies avant que le COVID-19 ne se transmette de personne à personne, la vision du Che s’est transmise de médecin à médecin. Ou peut-être que beaucoup partageaient à ce point cette vision que, après 1959, Cuba a apporté la médecine révolutionnaire partout où elle le pouvait. Ce n’est pas le Che qui a conçu les rouages complexes du système médical cubain actuel, mais il a été suivi par des soignants qui ont repris son concept de base. À certains moments de l’histoire, des milliers ou des millions de personnes ont des rêves similaires d’un avenir différent. Si leurs idées se répandent assez largement à l’heure où les structures sociales se désintègrent, une idée révolutionnaire peut devenir une force matérielle dans la construction d’un nouveau monde.