Au premier tour des élections présidentielles en Équateur, c’est le candidat de gauche Andres Arauz qui a recueilli le plus de voix. Au second tour, il devra affronter l’ancien banquier néolibéral Guillermo Lasso ou le candidat indigène Yaku Pérez, dont le soutien de la part des États-Unis est plus que suspect. L’enjeu est de taille : ni l’un ni l’autre ne reconnaissent le résultat pour la deuxième place et demandent un recompte des voix.
La semaine dernière, le peuple équatorien s’est rendu massivement aux urnes pour élire son nouveau président, dans un pays qui ne se porte pas bien. La population est loin d’avoir digéré la politique d’austérité du président sortant Lenin Moreno. Elle manifestait d’ailleurs sa colère dans les rues équatoriennes juste avant que n’éclate la pandémie de coronavirus. Le pays a fortement souffert de la pandémie l’année dernière, notamment à cause de ces restrictions budgétaires.
Un bref historiqueL’Équateur est un pays relativement pauvre, qui possède toutefois d’importantes réserves de pétrole et de minéraux. Rafael Correa, le président de gauche qui a précédé Moreno, voulait exploiter le riche sol de son pays pour financer des programmes sociaux. Se rendant compte que l’exploitation des combustibles fossiles aggrave le réchauffement climatique, il a cherché à obtenir le soutien des pays du Nord : une aide financière en échange de la non-exploitation des minéraux et du pétrole. Si l’ONU était favorable à cette politique climatique alternative prometteuse, les pays riches sont restés sourds à cette proposition audacieuse et écologique. L’Équateur a donc dû se débrouiller.
Contraint et forcé, le pays s’est lancé dans l’exploitation des réserves de pétrole. Grâce aux recettes, des milliards de dollars ont été investis dans les soins de santé, un enseignement de qualité et des infrastructures perfectionnées.
Le successeur de Rafael Correa, Lenin Moreno, a coupé court à cette lancée sociale et préféré la voie néolibérale, en allant même jusqu’à faire les yeux doux au FMI, avec toutes les conséquences sociales que cela implique. Cette attitude lui a valu une popularité tellement médiocre qu’il ne s’est même pas présenté à la présidentielle.
Le premier tourAndrés Arauz est l’héritier politique de Rafael Correa. Ensemble, ils forment un duo. C’est Arauz qui a récolté le plus de voix au premier tour, avec un peu plus de 30 %.
Il est suivi, en deuxième position, par le banquier de droite Lasso. Le candidat indigène Yaku Pérez arrive troisième, talonnant Lasso, place qu’il conteste, s’appuyant sur la poignée de voix qui le séparent de son adversaire. Le deuxième tour, prévu le 11 avril, opposera donc Arauz et Lasso ou peut-être Pérez… Yaku Pérez, qui conteste les résultats, est soutenu par l’ambassade des États-Unis en Équateur.
Les trois candidats ?
Andrés Arauz était ministre de l’économie au sein du gouvernement Correa. Il compte miser sur une politique de relance économique qui profitera également à la classe ouvrière et aux nombreux travailleurs pauvres de ce pays d’Amérique latine. Il veut renégocier la dette de l’Équateur avec le FMI. Il veut également mettre fin à la politique d’austérité néo-libérale de son prédécesseur Lenin Moreno.
Lasso est le candidat de l’establishment néolibéral dans le pays. Il entend bien poursuivre les mesures d’austérité prises par le gouvernement précédent, mais, pendant la campagne électorale, il a néanmoins fait quelques propositions visant à augmenter le pouvoir d’achat. En outre, il veut tout miser sur l’exploitation des ressources naturelles et du pétrole.
Militant indigène, Yaku Pérez ne fait pas mystère de son opposition à l’exploitation minière. Il bénéficie du soutien inconditionnel d’un certain nombre d’ONG occidentales et de mouvements environnementaux tels que Extinction Rébellion. Son programme est une combinaison assez étrange de vert et de droite. En matière de protection de l’environnement, il présente un certain nombre de points de vue progressistes, notamment son rejet de l’extraction des combustibles fossiles, mais il compte les combiner à une poursuite de la politique néolibérale et à des accords de libre-échange. Lors des dernières élections, il a d’ailleurs soutenu le banquier néolibéral qui se retrouve pratiquement au même stade que lui dans la course à la présidence.
Autre fait aussi frappant qu’interpellant, ce candidat jouit du soutien des États-Unis et, plus particulièrement, de la National Endowment for Democracy (NED), une organisation de façade de la CIA. Il a également rencontré l’ambassadeur américain à plusieurs reprises. Il a par ailleurs soutenu le coup d’État d’extrême droite en Bolivie contre Evo Morales et se montre des plus véhément vis-à-vis du Venezuela et de Cuba.
La bataille du second tour promet d’être passionnante. Le pays pourra-t-il reprendre un cours social ou poursuivra-t-il sa politique néolibérale ? Parviendra-t-il à préserver sa souveraineté et s’opposera-t-il, avec d’autres pays d’Amérique latine, aux États-Unis ou deviendra-t-il, au contraire, un pantin de Washington ? Le but est-il d’atteindre un équilibre entre les aspects sociaux et écologiques ou les premiers seront-ils sacrifiés en faveur des seconds ? On le voit, les enjeux sont nombreux et considérables.
Avec Cubanismo.be, nous garderons un œil sur l’évolution de la situation en Équateur.
Sources :https://thegrayzone.com/2021/02/06/yaku-perez-pachakutik-ecuador-us-coup/https://peoplesdispatch.org/2021/02/08/how-ecuadors-us-backed-coup-supporting-ecosocialist-candidate-yaku-perez-aids-the-right-wing/