Etat des lieux à Cuba : entretien avec Loraine Gonzalez

Loraine Gonzalez est une membre active de Cubanismo.be qui a effectué un voyage sur l’île pendant les vacances de Noël. Nous étions curieux de savoir ses impressions, un mois après la réouverture du tourisme qui a été paralysé pendant près de deux ans et en plein blocus étasunien, plus dur que jamais. EntretienSur la photo, Loraine (à gauche) devant la toute nouvelle statue de Eusebio Leal, l’homme mondialement réputé pour avoir dirigé la restauration de la Vieille Havane, et décédé l’année dernière.

Un journal étasunien écrit que c’est le moment propice pour visiter Cuba car il n’y a pas encore beaucoup de tourisme, qu’on peut donc tout visiter tranquillement et que par rapport au Covid on y est bien plus en sécurité qu’aux États-Unis. Est-ce exact ? out à fait, il n’y a pratiquement pas de tourisme à Cuba en ce moment à cause du Covid et cela m’a brisé le cœur. Le tourisme a toujours été l’une des principales sources de revenus de l’île et de ses habitants. C’est peut-être parce que beaucoup de gens n’osent pas encore entreprendre de longs voyages et c’est compréhensible. Or à Cuba, à l’heure actuelle, on est plus en sécurité qu’aux États-Unis, mais aussi plus en sécurité qu’en Belgique. Le nombre de contaminations y est beaucoup plus faible que chez nous, car une grande partie de la population a déjà été vaccinée.

Si on est entièrement vacciné, qu’on prend les mesures nécessaires et respecte les formalités de voyage, on peut faire un voyage idéal et en toute tranquillité à Cuba. Beaucoup de gens ne sont peut-être pas non plus au courant que depuis le 15 novembre Cuba a rouvert ses portes au tourisme. Je viens de lire que la compagnie aérienne TUI fly a repris ses vols directs de Bruxelles à Varadero, les prix sont très attractifs en ce moment, j’aimerais y retourner moi-même !

Les Cubains eux-mêmes ont vécu une année très compliquée avec la pandémie et le blocus, qui n’a jamais été aussi sévère qu’aujourd’hui. Que disent-ils à ce propos ?

Ce sont effectivement des temps très durs pour ma famille, mes amis et tous les Cubains, non seulement à cause de la pandémie mondiale, mais à Cuba cette crise est encore aggravée par le renforcement délibéré du blocus économique, commercial et financier imposé par le gouvernement étasunien depuis plus de 60 ans. La plupart des gens nourrissaient quelque espoir avec l’arrivée du nouveau président étasunien Joe Biden, ils espéraient un assouplissement de l’embargo mais il n’en a rien été. L’administration Biden n’a fait que poursuivre le siège économique imposé par Trump au peuple cubain pendant la « guerre froide ». Les Cubains continuent de se battre pour la levée du blocus. Mais je constate une lassitude générale due à la pandémie et à l’impact économique important du blocus, comme ces longues files d’attente pour acheter du pain. En tant que Cubaine vivant à l’étranger, je poursuivrai aussi la lutte pour la levée du blocus à partir d’ici.

En juillet, plusieurs milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre leur gouvernement, en raison de la grande pénurie de marchandises de toutes sortes. En novembre, il y a eu un nouvel appel, mais cette fois personne n’a répondu. Cette manifestation est-elle un sujet de discussion à Cuba et quelles sont les opinions à ce sujet ?

Les opinions varient selon les générations. Certains jeunes sont plus facilement influencés que d’autres par les réseaux sociaux tels que Facebook. Ce qui s’est passé le 11 juillet était une guerre des réseaux sociaux et le gouvernement des États-Unis en a profité. Je constate qu’un dialogue franc s’installe entre les générations plus âgées et plus jeunes, et c’est une bonne évolution d’aborder ainsi nos propres problèmes internes. Mais tant que nous continuerons à être étranglés par ce blocus meurtrier, les pénuries et le désespoir subsisteront et de nouvelles frustrations naîtront. C’est bien ce qui s’est passé le 11 juillet. D’autre part j’ai vraiment confiance dans les jeunes générations, celles-ci n’abandonneront pas ce long combat.

La pandémie est actuellement mieux maîtrisée à Cuba qu’en Belgique. Les Cubains sont-ils satisfaits de la politique à cet égard et les mesures sont-elles bien respectées ?

La pandémie semble effectivement sous contrôle à Cuba et cela ne me surprend pas, car le taux de vaccination est très élevé, y compris chez les enfants dès l’âge de 2 ans. Ce qui m’a surpris par contre, c’est comment les gens respectent les mesures. Nous ne sommes pas parmi les peuples les plus disciplinés, mais lorsqu’il en va de la santé, nous sommes très sévères pour nous-mêmes. C’est devenu une seconde nature en sorte, la santé avant tout. Cela vient peut-être précisément du fait que nous avons très souvent dû apprendre à vivre avec une pénurie de médicaments en raison du blocus. Prendre soin de soi et des autres fait partie de l’ADN de chaque Cubain.

Par exemple, il existe une obligation générale de porter un masque en rue aussi. Les gens portent toujours leur masque, y compris les enfants, et il y a aussi une sorte de contrôle social qui fait que les gens s’interpellent s’ils ne portent pas leur masque correctement.

Vous êtes vous-même Cubaine. Qu’est-ce qu’une personne qui visite votre pays doit certainement voir ou quelle expérience lui conseillez-vous durant ce séjour ? C’est une question difficile car il y a tant de choses que les gens doivent absolument voir ! Je m’en tiendrai au top quatre. Un must absolu c’est la Habana Vieja, le quartier où j’ai grandi, le vieux centre historique de La Havane entièrement rénové sous la direction d’Eusebio Leal, l’historien de la ville. Pour moi, c’est de la pure nostalgie, une promenade dans les rues et sur les places coloniales et admirer le majestueux Capitolio.

Le numéro deux est une promenade le long du Malecon de La Habana, où tous les Cubains célèbrent leur joies ou leur malheurs, le lieu de rencontre des jeunes et des familles. À cet endroit, la couleur locale est garantie.

Le monument ainsi que le musée du Ché à Santa Clara figurent en troisième position. Si vous roulez en direction de Cienfuegos ou de Trinidad, vous pouvez faire un arrêt parfait au mausolée du Ché, un des lieux les plus prestigieux pour moi en tant que Cubaine. C’est là que se trouve l’endroit très particulier où sont conservées les dépouilles mortelles de Che Guevara et d’autres révolutionnaires, un endroit qui me tient particulièrement à cœur. Il y a aussi un musée où on peut apprendre tout sur la vie du Ché.

En quatrième position, il y a ma seconde ville coloniale préférée : Trinidad. Un endroit de fusion entre la ville, la nature et la plage. À tout juste quatre kilomètres de cette vieille ville coloniale, s’étend une magnifique plage de sable et, à quelques kilomètres de là, le parc national de Topes de Collante invite les touristes à d’excitantes randonnées.

Merci Loraine, pour cet entretien intéressant. Nous espérons vous entendre parler plus souvent de votre pays, de la lutte contre le sabotage des Cubains et de leur façon passionnante de modeler leur société.

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