Rencontre avec les membres des brigades médicales Henry Reeve

Le 10 et 11 mai dernier, nous avons eu la chance de rencontrer deux membres actifs des brigades de santé de Cuba, la docteure Corria Lopez et l’infirmière anesthésiste Mme. Chacon Gonzalez. Elles étaient accompagnées de l’ambassadrice de Cuba en Belgique S.

E. Yaira Jiménez Roig et du chef de mission auprès de l’ambassade : Juan Carlos Camacho Camero. Pour l’occasion, elles sont revenues sur la transition impressionnante de système de santé cubain depuis la Révolution et nous ont présenté les brigades médicales cubaines, ce regroupement de professionnels de santé, volontaires et formés pour les situations d’urgence, et qui interviennent à travers le monde sous la bannière de la solidarité face aux désastres.

Transition du système de santé de Cuba depuis 1959 et la RévolutionLes caractéristiques essentielles du système de santé influents directement sur la vision de celui-ci, et affecte également la vision dont on se fait du patient. Pour le système de santé de Cuba, la gratuité pour tous est un principe fondamental garantit par la Constitution cubaine. Le texte englobe ainsi toutes les questions relatives au droit à l’accès aux soins pour tous. Grâce à cette base, les Cubains peuvent montrer au monde les résultats probants de leur système médical. Il s’agit ici d’un héritage direct de la Révolution de 1959. A la suite de cet évènement, sont apparus les prémices de ce système et ce fut sur ces fondations et conditions que Cuba a construit un système de santé fort, par la qualité des soins qu’il délivre par le niveau des professionnels qu’il fournit et par le nombre d’infrastructure dont il dispose.

Si aujourd’hui le gouvernement cubain protège et garantit ce système de santé, son personnel médical et l’accès à tous ses nationaux, cela n’a pas toujours été le cas. C’est l’aboutissement d’un processus d’amélioration débuté au début des années 60. Le pays ne comptait alors que 6000 docteurs pour une population totale de plus de 7 millions d’habitants et l’ile ne comptait que 67 hôpitaux privés. Après la Révolution, environ 50% de ces professionnels de santé quittèrent le pays.

Face à ce constat et en conséquence directe des changements impulsés par la Révolution, le pays entama une transformation stable qui donna rapidement des résultats. La santé est ainsi devenue une priorité nationale et cette transition a construit un système public, universel et gratuit, en plaçant le patient au centre du projet médical. Si le nombre de docteur a été multiplié par 100, c’est également la totalité des ressources humaines du secteur de la santé qui a été renforcée via la création de cursus académiques de formation variés (médecins, infirmières, scientifiques, professeurs, chercheurs, etc).

La révolution du système de santé est aussi passée par l’édification de nouveaux hôpitaux, hôpitaux universitaires, de maternité et autres centres médicaux spécialisés dans toutes les provinces. On dénombre actuellement 290 hôpitaux sur l’ile.

Le système de santé cubain et ses cursus de formation accueillent aussi des professionnels de santé internationaux, qui sont formés pour ensuite repartir dans leurs pays respectifs, sur tous les continents, afin d’apporter des soins à tous ceux qui le nécessitent mais qui n’en ont pas les ressources. Ces offres de formation partent de la même volonté qui a fondé le changement du système de santé cubain : la gratuité et le socialisme.

La transformation du système de santé a aussi introduit, il y a 35 ans, une notion centrale : la médecine familiale, ce qui le différencie énormément des systèmes médicaux privés. Le fondement le plus notable de cette notion est la prévention des maladies, c’est le principe qui doit être au cœur du travail des professionnels de santé, peu importe où ils exercent. Cela doit faire partie de la personnalité des docteurs, le fait de vouloir prévenir, soigner et sauver.

Dès le début des changements structurels du système de santé, la volonté de former un personnel compétent pour soigner et sauver les patients à Cuba s’est accompagnée d’une volonté d’envoyer ce personnel à l’étranger, pour garantir les Droits Humains et plus particulièrement le droit à la santé pour tous à travers le monde.

Présentation des brigades médicales cubainesPour faire partie de ces brigades, les professionnels de santé doivent être parait à toutes situations d’urgence et connaitre les conséquences directes et indirectes qu’elles ont sur les personnes touchées. Il faut donc beaucoup d’entrainement pour traiter ce type de patient, c’est pourquoi le gouvernement lance des appels pour former des professionnels en profondeur pour faire face à ce type de situation. Les membres des brigades sont recrutés sur la base du volontariat, mais la plupart du personnel médical de Cuba est formé sur ce genre de situation. Ce volontariat nécessite en plus de manifester des qualités d’altruisme, de solidarité car leur engagement signifie leur départ, le fait de quitter leur famille pendant des périodes parfois longues et vers des conditions difficiles.

Depuis l’envoi de la première délégation médicale en 1963, les brigades et leurs valeurs humaines ont été présentes dans différentes situations. Quand Ban Ki-Moon, ancien secrétaire général des NU, lance un appel d’urgence en 2006 pour combattre Ebola, les brigades de santé de Cuba furent les premières à répondre. La même chose fut constatée en Haïti, après le tremblement de terre en 2010, des milliers de soignants ont répondu présent pour prendre en charge les urgences et multi-trauma dans les premiers temps et sont ensuite restés pour s’occuper de la grave situation épidémiologique qui suivie. La mobilisation des brigades au Pakistan en 2005, l’envoi de brigades avait alors pris moins de 24h. Ce qui démontre la capacité de réponse rapide face à de tels désastres. Pour obtenir une telle performance, toute leur communauté les soutient, les familles, les proches, les voisins se mobilisent pour que les membres des brigades partent rapidement et sereinement. De plus, dans le cas où un soignant appelé à partir laisse derrière lui quelqu’un nécessitant des soins, alors le gouvernement prend en charge ce qui est nécessaire.

Pour attester de la réussite du système de santé cubain et des actions des brigades de santé, on peut citer les milliers de missions, dans 158 pays, les milliers de patients pris en charge. Néanmoins, ils n’aiment pas parler en nombre (cela fait penser à une dette), ils souhaitent surtout obtenir la reconnaissance qui leur est due.

La pandémie du covid-19 a constitué une autre opportunité pour les brigades d’entrer en action, bien qu’elles aient préféré ne pas avoir à agir dans un contexte pareil. L’OMS a fait appel à eux pour agir dans de nombreux pays, et ce parfois, dans des pays qu’on classe pourtant dans la catégorie « développés » tels que l’Italie ou encore la Qatar, Andorre ou l’Azerbaïdjan. Ils exercent à chaque fois avec les mêmes valeurs d’humanité et de solidarité. C’est ce que sont les brigades, prêtes à combattre les problèmes dans le monde avec ces valeurs. Ce groupe de professionnels ne souhaitent pas de médailles mais sauver des gens face aux désastres.

Mme. Chacon Gonzalez, infirmière anesthésiste, revient sur leur expérience au Qatar, qu’on considère comme un pays très riche, disposant d’une technologie très avancée. Le pays a dû faire appel à ces brigades pour répondre aux besoins des milliers de personnes malades. A leur arrivée, la situation était si difficile dans les structures médicales déjà en places qu’un hôpital de campagne dû être installé en urgence. Une fois le plus dure de la pandémie passée dans ce pays, les brigades cubaines sont restées sur le terrain pour la vaccination. Une délégation de soignants cubains est encore actuellement présente au Qatar, et 24000 personnes sont vaccinées chaque jour grâce à elle. Dans l’hôpital cubain déjà mis en place avant la pandémie, 95% du personnels y travaillant est cubain.

Il faut aussi indiquer la rapidité avec laquelle l’ile a éradiqué des maladies contagieuses dans des situations épidémiologiques et épidémiques d’urgence (et souvent en réponse à des appels lancés par la communauté internationale) : méningite, paludisme, Ebola. Et ce grâce aux soignants des brigades mais aussi grâce aux scientifiques, chercheurs et laboratoires cubains.

Durant la pandémie, la communauté scientifique s’est réunie pour trouver un vaccin, elle travaille actuellement sur cinq vaccins différents qui permettent au pays d’avoir une couverture vaccinale de 92% sur l’ile et qui ont pu être fournis à d’autres pays comme le Venezuela. Mais l’OMS n’a pas voulu les commercialiser et ne reconnait pas leur efficacité, malgré les exemples. Ils savent que les USA ont beaucoup d’influence sur le sujet, pour approuver l’usage du vaccin cubain pour le reste du monde.

Questions et réponses :Comment se passe le volontariat et l’enrôlement des professionnels dans les brigadesLes volontaires sont des soignants déjà diplômés mais qui en se portant volontaires sont formés aux situations d’urgence, ce sont tous des professionnels préalablement de santé dans tous les cas.

Quels sont les accords avec les pays où sont envoyés les brigades ?

Ce sont les pays qui sollicitent de l’aide en réponse aux désastres, épidémie ou autre situation d’urgence. L’OMS ou l’Organisation panaméricaine de la santé assurent souvent la coordination mondiale globale entre les pays. C’est le devoir de ces organisations et des pays de détailler les besoins nécessaires. La plupart des pays et organisations internationales connaissent l’existence des brigades, les pays faisant face à des situations d’urgence adressent parfois des demandes à Cuba directement. La réponse est ensuite adaptée à chaque pays et situations. Il y a aussi des accords bilatéraux entre pays.

L’aide des brigades de santé de Cuba estelle soumise à un paiement ?

Parfois les pays demandent à Cuba de verser une rétribution pour cette aide, qui représente une source de revenue l’ile et son système de santé. Néanmoins, les brigades n’ont pas un profil commercial mais de solidarité. Cuba a différentes façons d’apporter son aide sanitaire, il peut y avoir une coopération de service pour laquelle Cuba reçoit de l’argent. A ce titre, la Dr. Corria Lopez nous donnent l’exemple du Brésil où les docteurs étaient nourris, logés, blanchis et recevait un salaire de 900$ par mois et le reste des fonds étaient versé à Cuba.

Un autre exemple de coopération sanitaire auquel Cuba prend part, lors d’une requête de la Belgique pour un envoi de professionnel pour faire une conférence, il ne s’agissait pas là d’un acte de solidarité. Les deux parties signent donc un accord et il y a un échange monétaire.

Quelle est la durée moyenne d’une mission ?

Les brigades ne quittent pas le pays dans lequel elles sont envoyées sans que le problème soit réglé. Elles ont été envoyées pendant le covid, suite à une requête d’aide de la Barbade. Sur place, quelque chose a attiré leur attention : dans ce petit pays très touristique, existe une différence de classe très notable. Les médecins attendaient les docteurs cubains pour résoudre le problème des classes sociales basses. Ils ont donc écrit un protocole pour répondre à cette situation, pour les brigades il était impressionnant de voir comment les médecins locaux répondirent, ils ne comprenaient pas qu’un docteur devait soigner au risque de sa vie pour prendre soin des malades sans distinctions aucunes. Lorsqu’ils sont arrivés, une estimation de 3 mois a été faite pour la mission, aux vues des besoins. En réalité le système de santé privé n’étant pas bien structuré, les membres ont dû rester plus longtemps. Pour répondre à cela, des idées de restructuration ont été proposées mais elles ne pouvaient pas être appliquées car elles demandaient trop d’argent selon les soignants nationaux. La mission a duré plus de la durée initialement prévue, les ministres du pays ont demandé que les brigades restent sur place pour résoudre ce problème et ont indiqué qu’ils ne pensaient pas pouvoir faire face à la pandémie par d’autres moyens. Les brigades ont quitté le pays avec le plus bas taux de contamination après 18 mois de travail acharné. La population en a été très reconnaissante.

Il est donc difficile de donner une durée de mission stricte.

Comment les brigades communiquentelles avec des populations parlant des langues différentes ?

La médecine a cette caractéristique particulière d’avoir un langage universel (alors qu’on a tendance dans le monde à remplacer les docteurs humains par de la technologie). Mais les brigades de santé pensent que le contact humain ne se remplace pas. Il en va de même pour la communication entre patient et médecin. L’élémentaire est appris pour communiquer correctement, ils apprennent aussi vite les rudiments nécessaires des langues du terrain. La dr. Corria Lopez donne à ce titre l’exemple d’un pédiatre qui doit prendre soin d’un bébé qui ne sait pas communiquer ses besoins.

Mots de fin :La Dr. Corria Lopez indique que tous les docteurs ont le même objectif pendant leur formation : celui de sauver les patients. C’est pour our cette raison, que les brigades cubaines sont extrêmement efficaces et résistantes.

L’ambassadrice de Cuba, Yaira Jiménez Roig, indique qu’après les nombreuses démonstrations de l’efficacité des brigades de santé cubaines, notamment face aux désastres climatiques, la proposition d’envoyer les brigades pour répondre aux désastres de l’ouragan Katrina aux USA n’a reçu aucunes réponses du gouvernement des Etats-Unis.

Les réponses et aides des brigades pendant la pandémie leurs ont valu une nomination au Prix Nobel. La pandémie a révélé les manquements de pays qu’on pensait avoir des ressources et moyens technologiques avancés en termes de santé mais en réalité lorsqu’on compare au système de santé de Cuba, basé sur la gratuité et la solidarité, cela prouve que ce sont ce sont ces qualités qui en font un système compétent. Pour eux, l’essence de la médecine doit être la solidarité humaine.

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