Vous avez peut-être vu ces derniers jours des images de touristes bloqués au Pérou en raison des barrages et des manifestations. Qu’est-ce qui se cache derrière ce mouvement de protestation qui paralyse entièrement ce pays d’Amérique latine ?
Le Pérou est le théâtre de troubles depuis plusieurs jours. La population manifeste son opposition après le coup d’État du 7 décembre, par lequel les forces politiques et économiques de droite ont porté au pouvoir la vice-présidente Dina Boluarte. Elles voulaient destituer le président Pedro Castillo par un vote au Parlement, mais celui-ci n’a pas cédé sans combattre. Il a fait une ultime tentative pour rester en place en demandant à l’Organisation des États américains (OEA) de le soutenir et de dissoudre le Parlement qui lui est hostile. Castillo a alors été arrêté et Boluarte a pris le pouvoir.
Toutefois, Castillo jouit toujours d’un fort soutien parmi les communautés paysannes et indigènes du Pérou. Ce sont elles qui sont maintenant à l’origine de la protestation contre le gouvernement intérimaire non élu. Le peuple exige la libération de Castillo sur le champ et de nouvelles élections.
Lors des manifestations contre le coup d’État, 25 personnes ont déjà été tuées et il y a eu des centaines de blessés (dont des enfants) à la suite de la répression brutale par les forces de l’ordre. Celles-ci sont envoyées dans les rues par la présidente intérimaire dans l’espoir que la protestation s’éteigne. Un ministre a déjà présenté sa démission parce qu’il n’est pas d’accord avec cette répression musclée.
Pedro Castillo, lui-même d’origine indigène, s’est heurté dès le début de sa présidence à un Parlement hostile et aux grands propriétaires terriens. Ceux-ci ont tout mis en œuvre pour empêcher une réforme agraire qui était prévue. La population péruvienne, qui espérait de meilleures conditions de vie sous Castillo, voit maintenant cet espoir fondre comme neige au soleil. À moins qu’elle ne parvienne à renverser la vapeur, ce qu’elle tente de faire, notamment par des manifestations et en bloquant les routes.
Entretemps, Castillo a demandé l’asile politique au Mexique. La majorité des pays d’Amérique latine condamnent le coup d’État : l’Argentine, la Bolivie, la Colombie, Cuba, le Honduras et le Mexique, entre autres. Ils y voient également la main des États-Unis. C’est d’ailleurs plus clair de jour en jour. L’actuelle ambassadrice des États-Unis au Pérou est une ancienne collaboratrice de la CIA. Et Washington a immédiatement exprimé son soutien au gouvernement provisoire issu du coup d’État au Pérou.
Aux États-Unis et en Europe, les protestations et revendications populaires sont peu couvertes par les médias. Le monde politique ne s’exprime quasiment pas sur la violence policière brutale exercée contre les manifestants à Lima et dans d’autres villes. Le Pérou a une longue histoire de coups d’État, de dictature et d’instabilité. Pour la presse occidentale, il est plus facile de raconter l’histoire d’un État en déliquescence, marqué par la violence et l’agitation, que d’en exposer les causes profondes et de mettre en évidence la lutte entre les forces progressistes et conservatrices.
Une période difficile et incertaine attend le pays. Mais au Pérou, comme ailleurs sur le continent, les classes populaires résistent courageusement à la droite d’ici et d’ailleurs. Car ce sont la souveraineté, les droits démocratiques et les espoirs de progrès social de leur pays sont en jeu.